Avec sa voix si particulière (douce et posée comme un souffle chaud) modelée sur une musique mélangeant le rock, les mélodies plus classiques et le jazz pour inspiration, Joseph d’Anvers et « Les choses en Face » chante des lieux clos qui s’ouvrent sur le ciel pour en condenser des histoires tout à la fois singulières et universelles.
Pierre : Je voulais savoir pour commencer si le billard du studio ICP était devenu votre meilleur ami ? Joseph d'Anvers : (rire) On peut effectivement dire que j’y ai passé beaucoup de temps, c’était l’un des à côté très agréable de ce studio d’enregistrement. Pierre : Cette phrase « A trop regarder les choses en face on finit par en devenir aveugle » vous a t’il obligé à passer vos thèmes de chansons par la bande ? Joseph d'Anvers : Non (rire) pour le disque j’ai mis directement dans le trou sans finesse aucune ! Pierre : Cet album quand vous avez pris la décision de le faire c’était à quitte ou double, maintenant ou jamais ? Joseph d'Anvers : C’était une question de principe que je m’étais fixé dès le départ. Quand les maisons de disques se sont mises à s’intéresser à moi, en gardant toutes mesures, j’ai demandé à garder les chansons telles qu’elles étaient, conserver les musiciens et mon équipe que j’avais dès le début et surtout faire un album qui sortirait dans l’année. Pour des raisons de planning il n’est pas sorti dans l’année même, car c’était très encombré, mais en janvier 2006, mais en tout cas je voulais le voir arriver vite et bien. Pierre : Votre rencontre impromptue avec Daniel Darc a beaucoup comptée ? Joseph d'Anvers : C’était une période au printemps 2004 où je n’étais pas bien dans ma peau et dans ma tête. Un jour où je m’étais fixé comme but de rentrer avec ma maquette chez une maison de disque qui se situe sur la butte Montmartre avec le principe d’avoir une réponse ferme et définitive sur leurs intentions, en chemin j’ai croisé Daniel Darc. Comme je suis un des fans de la première heure depuis Taxi-Girl et malgré ma nature timide je suis allé l’aborder. Je lui ai donné ma maquette en lui précisant que si elle lui plaisait il pouvait me rappeler et au cas où il trouvait ça mauvais il pouvait la jeter et il n’entendrait plus parler de moi. Il devait aller rejoindre un ami dans un bar donc il m’a proposé de boire une bière en sa compagnie. En 1 heure et demi de temps (et quelques bières après) on a refait le monde en parlant de son parcours à lui. Il m’a dit deux phrases qui ont raisonné dans ma tête : la première c’est qu’il me disait être né artistiquement dans la période punk, qu’il pouvait dynamiter le système de l’intérieur alors que maintenant ce n’était plus possible donc il me conseillait l’auto production. La deuxième phrase qu’il m’a dite est une citation d’Hemingway « Celui qui n’est pas prêt à mourir pour l’écriture ne devrait jamais écrire ». Il m’a conseillé que si faire de la musique c’était ce que j’aimais faire je devais m’accrocher tout le temps, contre vent et marée, en précisant que lui n’était peut être pas millionnaire mais qu’il avait eu une vie où il était fier de tout ce qu’il avait fait. J’ai donc eu comme une bouffée d’oxygène, je suis rentré chez moi regonflé à bloc, le lendemain j’envoyais une maquette au FAIR pour postuler à une bourse afin de m’auto produire. Ce concours je l’ai gagné et tout s’est enchaîné de cette rencontre. Pierre : Avez vous eu des nouvelles depuis de Daniel Darc ? Joseph d'Anvers : Aucune ! (rire) Pourtant il m’avait laissé son numéro de téléphone et son adresse mais apparemment avant de me quitter il m’a dit qu’il ne répondait jamais et qu’en plus il oubliait qui l’appelait très rapidement. Pierre : Dans le disque il y a le parti prix de chanter doucement des choses fortes, était ce un principe artistique ou une obligation physique due à votre petit problème aux cordes vocales ? Joseph d'Anvers : C’est une volonté. J’ai été opéré 4 mois avant l’enregistrement de l’album, on m’avait surtout interdit de chanter pendant une année. Mais comme l’on me proposait ce contrat, qu’on me mettait le pied à l’étrier et que l’on ne vit qu’une fois il fallait que mon corps suive les envies de mon âme. J’avais dans un premier temps l’envie de chanter plus fort. Mais finalement en post-production avec Jean Louis Piérot on s’est dit que vu que le disque était assez hétérogène, passant d’ambiances dépouillées à un orchestre à cordes, on a gardé comme fil conducteur ma voix. Pour se faire entendre cela ne sert à rien de crier. Comme les textes sont parfois crus et que les musiques étaient imaginées et ciblées pour chaque texte ce qu’il fallait faire revenir de manière identique, c’était la voix. Pierre : Vous ménagez votre voix sur scène aussi ? Joseph d'Anvers : Ce n’est pas le même rapport à entretenir avec le public. L’album devait être susurré et doux alors que sur les planches je suis plus rentre dedans. Pierre : L’atmosphère qui se dégage du disque, notamment sur « Pigalle » se rapproche plus du jazz que de la scène rock ? Joseph d'Anvers : Ce n’est pas faux ! j’ai eu une éducation musicale faite essentiellement par ma mère qui a vécu en Angleterre à l’époque des Beatles et qui en même temps a une passion pour tout le jazz des années 50 et 60. Cela m’a bercé depuis tout gamin. C’est une culture que j’aime surtout au niveau des personnages, de leur manière de faire leur musique, il y a un amour de la musique dénué de rapport mercantile. Je voulais faire un album dont je sois fier avant tout. J’ai tenu absolument avec mes musiciens Raphaël le batteur et Ludo le contrebassiste, à donner une couleur jazz face à Jean Louis Piérot qui était plus pop rock actuel. L’influence de Tom Waits que j’ai beaucoup écouté, est importante. Cet homme fait un habile compromis entre ces deux courants. « Les Choses en Face » se trouve au milieu de mes capacités rock, jazz et chanson. Pierre : Quand j’ai vu votre nom la première fois je pensais que vous veniez de chez nos cousins belges mais finalement je me suis rendu compte qu’il correspondait au quartier de Paris où vous traînez ? Joseph d'Anvers : Il y a plusieurs raisons à ce nom. La première effectivement parce que j’habite Pigalle desservi par le métro Anvers. La seconde c’est ma propre culture pour le coups qui est vraiment rock : j’ai toujours écouté des groupes comme Venus ou Deus qui viennent d’Anvers. En plus j’aime le cinéma, j’étais chef opérateur dans ce milieu et j’ai toujours adoré ce que pouvait faire les frères Darden ou Benoît Mariage qui sont belges. J’ai un engouement pour la culture belge actuelle. Mon nom est venu tout naturellement. Pierre : Dans la vidéo accompagnant votre disque vous dites à un moment « Ils vont se faire foutre si ça ne leur plait pas » j’aurais aimé savoir à qui s’adressait cette phrase ? Joseph d'Anvers : (rire) Elle s’adressait aux gens qui étaient dans la cabine du studio. Pierre : Un bon disque et c’est le cas du votre, c’est lorsqu’on a l’impression qu’à la fin de l’écoute il est toujours trop court, pour quelqu’un qui aime travailler sur le temps c’est une bonne chose non ? Joseph d'Anvers : Ca fait plaisir ce que vous me dites car au début je voulais faire un disque court de moins de 40 minutes. Si finalement au bout de 49 minutes vous avez l’envie de le remettre je suis ravi (rire). Je suis quelqu’un qui a besoin de trouver du sens à tout, ça en devient même chiant pour mes proches, donc les 14 chansons ont leur place et leur raison d’être. Pour quelqu’un qui est obnubilé par le temps comme moi et c’est vrai que j’en parle beaucoup dans l’album je voulais travailler dans l’assemblage des morceaux jusqu’aux intervalles de pause entre chacun. Pierre : Vous avez suivi des études sur l’image cela a t’il joué un rôle important ? Joseph d'Anvers : Avant le cinéma je suis passé par les arts appliqués, tout ce qui est design et architecture intérieure. Je dessine toujours beaucoup, je prend beaucoup de photos. Lors de mes études à la Femis j’ai appris à raconter des choses sans les mots. Pour mes chansons j’avais envie de raconter des images sans l’image. Très naturellement quand je me suis mis à écrire je décrivais des images que j’avais en tête. Je ne suis jamais parti de mots ou de musique, je suis toujours parti d’images. Pierre : La pochette est donc tout aussi importante ? Joseph d'Anvers : Pour le visuel je savais exactement ce que je voulais comme photo. J’ai été assez intransigeant. J’ai fais beaucoup rire, on m’a beaucoup chambré sur ce sujet car j’ai été jusqu’à choisir le grain du papier pour le digipak. Ma maison de disque m’a traité de grand malade (rire). L’objet final : de la guitare voix jusqu’au clip tourné la semaine dernière a une vraie cohérence dans ma tête. Je voulais proposer quelque chose de beau à l’auditeur et être redevable de la chance que l’on m’offre en enregistrant mes compositions. Pierre : Qui est l’infirmière bleue qui est remerciée dans le livret ? Joseph d'Anvers : Ha ha ! l’infirmière bleue c’est un personnage que nous avions crée avec l’un de mes meilleurs amis. Cette infirmière sorte de fantasme adolescent, c’est cette chose impalpable qu’on appelle l’inspiration.» Pierre : Vous chantez les cicatrices de l’amour, j’aurais aimé savoir ce que vous avez fait le jour de la Saint Valentin ? Joseph d'Anvers : Comme tous ceux qui ont une Valentine. Mais par contre au préalable, comme je suis un grand malade, je suis passé à la post-production du clip.