Renan Luce pouvait il mieux faire que son « Repenti » ? Retrouver le chemin du studio après pareil succès n'était pas synonyme de réussite. Dans la découverte d'un talent nouveau il y a toujours une part de fraicheur qu'il est impossible de faire perdurer. Souvent le piège c'est d'en rajouter ou d'en enlever quand il suffit de rester identique. C'est donc avec une petite anxiété au coin des lèvres qu'on pouvait attaquer son « Clan des Miros » ou le retour de l'enfant prodigue. Et là, même si pour un chanteur avoir un style est plutôt mal considéré comparé à un écrivain qui s'en cherche un, il est indéniable qu'existe un style Luce. Toujours préoccupé à créer une atmosphère de western poulbot, pareil plume pour caricaturer des personnages éclectiques, avec en prime une atmosphère musicale plus raffinée, ce second opus offre d'avantage de place à la musique sans rônier pour autant sur les rimes riches. On peut donc, les yeux fermés, prédire au « Clan des Miros » un trajet vers les cimes.
Pierre : Pour commencer : plutôt lentilles de contact ou lunettes ? Renan Luce : « Lentilles ! » Pierre : C'est quoi le sens de ce titre « Le Clan des Miros » ? Renan Luce : «C'est d'abord la première chanson du disque qui parle de la non-clairvoyance autour des choses qui nous entourent, des événements qui peuvent se produire, des rencontres que l'on peut faire. Ce qui fait que l'on est un peu balloté dans nos vies, que l'on va de surprises en surprises. Je voulais ce titre, car il y a le mot « Clan » et c'est très important dans ma manière de travailler. Je fonctionne beaucoup avec l'amitié, les gens que je connais bien, d'ailleurs les musiciens qui m'ont accompagné sur la dernière tournée sont sur cet album. J'ai coréalisé l'album avec Jean-Louis Pierrot avec qui j'avais déjà travaillé. C'est une famille importante pour moi. Ce titre évoque ce flou artistique, qui fait appel à l'imagination.» Pierre : Avais-tu une pression particulière par rapport à ce disque ? Renan Luce : «La première c'était une ambition personnelle : être fier des chansons que j'allais écrire. Comme je vais vivre un certain temps avec elles, je ne souhaitais pas me tromper sur quelque chose, ou me dire que j'avais été trop vite d'ici quelques mois. C'était donc ça mon premier objectif. L'avantage c'est que j'avais une idée précise de ce que je voulais. Je me suis raccroché à cette vision pour ne pas penser aux attentes. Surtout à mes attentes personnelles. Cela m'a permit d'annihiler toutes les autres pressions. » Pierre : Ces nouvelles chansons, tu les avais rodées sur scène ? Renan Luce : «En ayant 12 chansons du premier opus, j'avais effectivement parsemé mon tour de chant d'inédits. Ces titres je les ai pas mal retravaillés par la suite, que ce soit au niveau des textes ou des musiques. J'avais ce point de départ pour me remettre à travailler. C'est surtout en reprenant ma guitare pour chercher qu'il est venu ce deuxième disque. De manière assez instinctive. J'ai choppé quelques ambiances, des mélodies, et tout c'est mis en place. » Pierre : Faire cette tournée marathon de quelques dates jours après jours dans toute la France avant la sortie de l'album, c'était un moyen de ne pas tomber dans l'angoisse stupide du jour J ? Renan Luce : «Y a de ça. Je ne compte pas les jours avant la sortie du disque. Et c'est très agréable de présenter des chansons que les gens ne connaissent pas. Cela te permet de voir la surprise, la réaction des personnes face à ces titres. » Pierre : Garder la même équipe scénique pour l'enregistrement t'apportait quoi ? Renan Luce : «C'est un gage d'avoir quelque chose de vivant. On était dans la dynamique de la tournée. A partir du moment où j'avais repris ma plume et ma guitare, je tenais à ce que l'on se voit tous les mois, quelques jours, pour commencer à jouer ensemble et faire en sorte de mettre en commun les idées d'arrangements, faire des tests. Ce qui fait qu'arriver au studio nous pouvions nous concentrer sur la prise de son et l'interprétation. C'était très important. » Pierre : Avec ce terme de « jouage » ? Renan Luce : «C'est un truc qu'on dit beaucoup entres musiciens. C'est lâcher le jeu. Faire tourner les morceaux. » Pierre : En parlant de « jeu » il faut aussi revenir sur l'idée cinématographique de ton disque ? Renan Luce : «J'adore le cinéma et c'est vrais que je pioche parfois dans l'univers cinéma pour piocher une ambiance, un caractère de personnage. Sur tous les sujets au monde on peut trouver un film qui permet d'affiner un climat. » Pierre : Tu as d'ailleurs réuni ces 2 arts en faisant la BO du « Petit Nicolas » ? Renan Luce : «Ce qui m'a d'abord plu c'est le petit Nicolas en lui-même car ce fut l'un des livres qui m'a éveillé à la lecture quand j'étais enfant. Et comme le thème de l'enfance est un thème que j'aime bien, c'était l'occasion de l'aborder directement. » Pierre : Ce disque, à contrario du précédent, semble plus musical ? Renan Luce : «En tout cas je suis parti beaucoup plus des musiques. J'ai le souvenir d'avoir eu beaucoup de mélodies avant de trouver une ambiance de textes qui colleraient avec. Au final cela donne des chansons différentes du précédent. Quand on part d'une musique, celle-ci prend une part plus importante, c'est une base. Partir du texte donne des chansons moins dans l'ambiances et reste plus, voir trop, touffu dans le verbe.» Pierre : J'aimerais que tu me parles de la respiration du milieu de l'album, cette chanson « Grand Père » avec 2 compagnons de route que sont Alexis HK et Benoit Dorémus ? Renan Luce : «J'avais envi de partager une chanson avec eux. Et cela sonnait comme une récréation au milieu de l'album. » Pierre : Comment expliques-tu ton succès alors que ces 2 amis, qui sont proches de toi en termes de musiques et de chansons, restent confidentiels ? Renan Luce : «Je pense qu'il y a une grande part de hasards dans nos carrières. il y a peut être aussi de la frilosité des radios, je ne me l'explique pas plus que ça. » Pierre : Pour le premier disque, tu m'avais parlé de l'importance du web pour communiquer. Pour ce deuxième opus, utilises-tu toujours le même procédé ? Renan Luce : «Je l'utilise même davantage. Il y a encore plus d'offres pour écouter de la musique sur internet. Il faut vivre avec son temps et faire avec. Personnellement je suis encore très attaché au support physique du disque mais moi aussi je vais acheter des titres sur le net. C'est un bon moyen de découvrir rapidement des artistes. » Pierre : Après 750 000 albums vendus, le deuxième est très attendu non ? Renan Luce : «J'entends beaucoup plus d'avis. C'est la porte ouverte à beaucoup de pressions. » Pierre : Ton entreprise passe du mode artisanal à de la production industrielle ? Renan Luce : «Non, j'essaye de garder justement ce coté humain. En essayant d'être précis, méticuleux, faire parler une émotion. Une rime bien faite reste un travail de feuille sans chiffres autour. » Pierre : Tu croques des personnages mais d'où viennent-ils ? Renan Luce : «De ma rêverie (rire). Quand j'ai un personnage en tête, il n'en reste pas moins quelqu'un que je connais, moi ou une personne que j'aime bien. Mes états d'âmes peuvent servir à un inconnu (rire). » Pierre : Tu peux ajouter quelques mots sur Jean-Louis Pierrot qui coréalise l'album avec toi ? Renan Luce : «C'est un binôme qui fonctionne très bien. Il a le don de recul, de rebondir sur mes idées. Ne serais ce que dans l'organisation technique d'un disque il est parfait. J'ai une grande confiance en lui. » Pierre : Sur scène tu comptes faire vivre ton disque de quelle manière ? Renan Luce : «En faisant quelque chose de vivant. Je voulais de l'échange, des moments intimes et d'autres plus énergiques. J'ai cherché aussi à y mettre du visuel. Réussir à retranscrire par la vue cet album. On joue beaucoup avec la transparence des rideaux, des projections. On a passé une semaine sur l'ile de Ré pour potasser l'idée même de concert.» Pierre : Avec le titre de ton album tu peux postuler à remplacer Johnny pour Optic 2000 ? Renan Luce : «(rire) Je ne suis pas sur de pouvoir pousser son cri aussi bien que lui. »