Avec Mr Roux vous ne vous tracasserez pas sur vos ennuis quotidiens. Il suffit d’écouter ses chansons, ses belles compositions bien ciselées, ses chansons où les méchants gagnent à la fin, pour que le ciel gris s’écarte au profit d’une éclaircie. Après lui le beau temps. D’ailleurs, ce disque devrait être remboursé par la sécurité sociale pour soigner la morosité. A force d’entendre : ses portraits brossés de loosers, ses piques sympathiques sur la société « policée », sa tendresse envers les laissés pour compte, vous aurez le sentiment (partagé) d’avoir trouvé un bon copain de quartier.
Pierre : Selon certaines publicités que je viens de voir dans le métro parisien, il faut acheter ton disque pour te permettre de t’enfuir en Suisse ? Monsieur Roux : Oui. Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, il est devenu urgent pour les gens comme moi de s’exiler en Suisse. Pierre : Tu as préparé un grand bus ? Monsieur Roux : De toute façon, ils ont prévu de faire quelques avions collectifs… enfin remarque pour la Suisse je suis pas certain. Pierre : Mr Roux c’est donc 3 copains d’abord ? Monsieur Roux : Non ! Monsieur Roux c’est moi d’abord et ensuite, j’ai rencontré mon acolyte Jauni Bernardo le guitariste, en bossant dans un bar et Brandon Michel c’est un copain de copain de copain. Pierre : Les Tontons Flingueurs de Mr Roux se sont dit : on va faire un disque à quel moment ? Monsieur Roux : Il y a 2 ans. Il est sorti en octobre 2005 mais avant nous avions fait pas mal de concerts. Pierre : Les chansons méchantes où les gentils gagnent à la fin, c’est pour faire contrepoids aux chansons gentilles interprétées par des méchants ? Monsieur Roux : Ca peut être pas mal ça. Tient, je vais sortir ça maintenant (rire). C’est libre de droit au moins ? Pierre : Mr Roux ne semble pas aimer les winners, les forts qui roulent des mécaniques et tu sembles avoir fait chanteur pour leur régler leurs comptes ? Monsieur Roux : Il n’y a pas d’esprit de revanche qui m’anime même si on peut s’imaginer que le fait de vouloir faire des chansons, monter sur scène cache quelque chose derrière qui est de l’ordre à analyser (rire). Prouver quelque chose aux autres. Mais j’ai beaucoup plus d’affection pour les gens qui sont un peu fêlés, un peu cassés, les gens dans l’ambiguïté plutôt que pour ceux qui sont très beaux et très lisses. Pierre : Le monde n’est pas noir, ni blanc chez toi, est ce que c’est pour ça que tes marcels sont gris ? Monsieur Roux : Comment tu peux savoir qu’ils sont gris ? Tu serais déjà venu nous voir en concert ? Ils sont simplement gris parce que je les lave avec de la couleur. Je n’ai pas le temps de faire des lessives de blanc et comme je n’ai qu’un seul marcel ! Pierre : Tes chansons sont des pièces de théâtre de la lâcheté ordinaire ? Monsieur Roux : Pourquoi pas mais après non, c’est d’expliquer ce que l’on a tous en nous. Cette idée que la vie est une histoire de compromis. Faire ce qu’on peut avec ce qu’on est, pour m’auto paraphraser. On fait souvent des choix, des choix pas toujours très glorieux… Pierre : Le titre de « gamin mal élevé » c’est pour attirer les poufs friandes de voyou ? Monsieur Roux : Hé je suis pas du tout voyou ! Gamin mal élevé oui mais pas voyou. Les pouffs qui aiment les bad-boys ne sont pas attirées par des gens comme moi, qui en dégagent pas forcément des masses. Je n’ai pas une tête de méchant et même mon chat ne m’obéit pas. Pierre : « Le Vaurien » a t’il trouvé sa direction ou doit-il encore pointer à l’usine pour assurer ses fins de journées ? Monsieur Roux : J’espère qu’il va continuer. Des vauriens il y en a pleins partout mais j’espère qu’ils auront encore le loisir de ne rien faire. Pierre : Les putes, le clergé, tu penses pas devenir quand même le Brassens nouvelle génération ? Monsieur Roux : Y en a qui disent ça. Moi j’ai rarement écouté Brassens, je suis plus proche de Renaud. Après en soi : le côté gamin mal élevé est devenu un peu tabou. Quand j’étais enfant, c’était la honte d’être catholique et de croire en Dieu. Maintenant ça s’est banalisé. Les croyants n’ont même plus honte de le dire, ce qui est dramatique (rire). Alors qu’ils croient qu’il y a un grand barbu dans le ciel avec des anges qui n’ont pas de bites et qui tournent autour. On écoute ces gens là très sérieusement alors qu’on sait pertinemment que dans le ciel, il n’y a que des nuages et des avions. Pierre : Mr Roux est laïque ? Monsieur Roux : Ca dépend des jours, parfois je suis laïque et parfois anti-clérical. Grosso-modo ça ne me dérange pas, de la même manière que je respecte les enfants qui croient au Père-Noël. Mais dans la mesure où ils ne tuent personne. Pierre : Quand on commence sa carrière au milieu des zincs de comptoir, devient on fatalement alcoolique ? Monsieur Roux : Je ne pense pas, je le suis peut être un peu mais je me retiens. Je suis trop flippé pour être alcoolique. Pierre : L’album est une auto production qui a fait son chemin et a séduit une grosse maison de disque ? Monsieur Roux : En fait notre éditeur-tourneur a payé une attachée de presse qui a fait croire à tout le monde que ce qu’on faisait c’était super. Et donc apparemment certains l’ont vraiment cru. En tout cas, cela nous ouvre beaucoup de nouvelles portes. Pierre : Vu que l’album date de 2005, tu as déjà la suite dans tes carnets ? Monsieur Roux : On a des nouvelles chansons qui sont écrites. Je ne sais pas si on les enregistrera. Disons qu’on verra au moment où l’on sera dans l’optique d’enregistrer un nouvel album. Par exemple, celui ci, cela fait 3 ans qu’on chante les même chansons, et à un moment donné, tu évolues et tu n’as plus forcément envie de chanter ces titres. Pierre : Lequel par exemple ? Monsieur Roux : ‘Petit Rasta’ ! C’est une chanson qui est mise en avant par les radios car elle est facilement diffusable avec un refrain et des paroles pas trop méchantes. A l’époque où je l’ai écrite, tu avais partout du reggae festif et c’était une chanson pour se moquer d’eux. Maintenant c’est moins le cas donc c’est devenu banal de se moquer des petits baba-cools et puis quand on arrive avec un président comme Nicolas Sarkozy au pouvoir, je pense que ce n’est plus la priorité. C’est pour ça que je veux absolument chanter « L’homme Ordinaire ». (rire) elle est d’actualité. Pierre : Alors je sais pas si t’as chopé le melon en signant chez Atmosphérique, mais j’ai remarqué que tu cherchais à entretenir l’espoir de l’international en anglicisant les noms de tes musiciens et en mettant tout le pataquès de la manière d’enregistrer en anglo-saxon ? Monsieur Roux : C’était déjà à l’époque en auto-produit. Mais c’est parce que le disque nous l’avons enregistré en Mayenne, ce qui est déjà pour des gens qui habitent en Bretagne, un peu international (rire). Pierre : Tu as participé aux chroniques lycéennes instaurées par les Inrocks? Monsieur Roux : Ca te permet de rencontrer des adolescents qu’on ne croiserait pas car ils n’écoutent pas de chansons, ils ne vont pas aux concerts. C’est très enrichissant car ce sont 2 mondes qui vivent parallèlement sans se croiser. En plus, j’avais envie de me retrouver dans un lycée pour comprendre combien c’était des lieux de destruction sociale et psychologique pour les jeunes. Je ne sais pas comment un gamin de 16,17 ans peut rester toute la journée dans un lieu pareil.