Si vous avez gardé votre âme d’enfant, si vous êtes encore turbulent alors que vos dents de sagesse sont en place, si votre goût est à la chanson française bien structurée et agréable à entendre : précipitez vous sur l’album de Guillaume Cantillon, le chanteur de Kaolin qui s’offre une escapade sur les chemins de l’école buissonnière en sortant son premier album solo «Des Ballons Rouges ». Rencontre sur une terrasse ensoleillée par les ballons rouges.
Pierre : Avant de parler de ce projet, j’aimerais que tu m’expliques quelle impression cela fait, d’avoir son patronyme sur une pochette de disque, non dissimulé derrière un nom de groupe ? Guillaume Cantillon : «C’est assez étrange, d’autant plus que lorsque je vois mon nom et mon prénom, j’ai l’impression de retourner dans le scolaire, quand tu as fait une connerie du genre « Monsieur Cantillon au coin ». En même temps, c’est drôle. » Pierre : Dans chaque tentative de projet solo d’un membre de groupe, la raison invoquée c’est qu’on ne peut pas envisager ces titres pour l’ensemble du groupe et que les chansons figurant sur cet album solo sont trop intimes pour être partagées : est ce aussi ta raison principale à « Des Ballons Rouges » ? Guillaume Cantillon : «Complètement. C’est un album bien auto-biographique. Quand je parle de ma grand-mère ou de mes enfants, cela ne parle pas aux autres membres du groupe. Je leur avais proposé les chansons mais d’un commun accord, nous étions pour qu’un titre défendu ensemble parle à tous. Il faut vibrer de concert. Là ce n’était pas le cas, certains ne se retrouvaient pas dans ces chansons. C’est donc naturellement que ces choses qui me tenaient à cœur, qui sont personnelles soient sur mon album solo. C’est paradoxal, car finalement cela parle à tout le monde. Tout le monde à eu une enfance… ce serait plutôt un album qui parle de choses du privé finalement. » Pierre : N’était ce pas trop impudique d’enregistrer ces titres et n’aurait il pas mieux valu les laisser dans ton cartable ? Guillaume Cantillon : «Je me suis posé la question et je me la pose toujours un peu. On n’est pas dans le voyeurisme non plus hein (rire). Je reviens sur des souvenirs tendres… Cela m’a fait du bien de dire ces choses là. Simplement, avec du recul, du second degré en me moquant de moi-même. » Pierre : Pour moi la nostalgie est quelque chose qui m’effraie… Guillaume Cantillon : «Chez moi c’est le contraire. C’est reposant, tendre, cela ne me gène pas car, peut être, je ne me souviens que des bons moments. Des moments qui m’ont fait grandir quoi qu’il en soit. Je raconte aussi des moments dures comme dans « Vachement bien » quand tu es pré-ado et que tu quittes tes potes, ton environnement car tes parents partent vivre ailleurs et que tu te retrouves seul. La nostalgie est positive pour moi. On n’est pas dans la mélancolie. Il y a du soleil qui apparaît sur ce disque. » Pierre : Fallait il attendre 36 ans pour évoquer cette nostalgie ? Guillaume Cantillon : «Apparemment (rire). » Pierre : Mais certaines personnes sont nostalgiques à 10 ans ? Guillaume Cantillon : «C’est plutôt alors de la mélancolie. Une forme de maladie (rire). Ce disque est une étape importante. Assumer seul, le faire seul, prouver des choses seul. Peut être aussi car je suis devenu papa et que tu vois la vie différemment. Quand tu es musicien, tu restes longtemps dans cet espèce de cocon assez particulier où finalement, tu te nourris d’un coté très enfantin. Directement lié à une imagination de môme. Tu grandis peut être différemment ou pas du tout.» Pierre : Un groupe c’est souvent la manière de rester adolescent. Là c’est donc une régression différente ? Guillaume Cantillon : «C’est très juste l’histoire de groupe. Il suffit de voir comment l’on te traite quand tu es musicien, que tu fais des concerts. Ca mène à rester ado. On te materne, on fait attention à toi. On dit que tu es le plus beau, le plus sympa, le plus drôle. A un moment tu es en extase d’adolescent dans un corps d’adulte. C’est bien d’en être conscient… » Pierre : N’est ce pas dangereux de ne pas avoir de point de vue honnête ou presque ? Guillaume Cantillon : «Si ! Je ne suis pas naïf… déjà je ne suis pas le plus beau (rire). Mais cela te permet de faire le ménage dans ton entourage. Je crois que c’est pareil dans tous les milieux, dans toutes les familles… tu vois clair. Quand tu es môme, tu peux péter un cable mais à 36 ans tu acquiers un certain recul. » Pierre : Quand j’écoute « Des Ballons Rouges » ou « Hello, Hello, Hello » j’ai l’impression que tu es la somme de Voulzy et Souchon ? Guillaume Cantillon : «(rire) C’est gentil pour l’occasion, cela me fait plaisir. J’adore Souchon avec son petit coté bambin et Voulzy pour les influences. » Pierre : Pour tes influences, c’est essentiellement les chanteurs ou musiciens anglo-saxons ? Guillaume Cantillon : «Oui, j’ai baigné dedans. J’ai eu une éducation musicale assez peu versée dans la chanson française. Après, c’est moi qui m’y suis intéressé plus tard. Contrairement à beaucoup, je n’ai pas découvert les Clash car tout petit j’étais dedans par contre j’ai découvert Daho.» Pierre : De Daho j’en arrive à Edith Fambuena, qui a réalisé ton disque ? Guillaume Cantillon : «Elle fait partie pratiquement de ma famille depuis très longtemps. Je lui confierais mes enfants sans aucun souci. C’est quelqu’un avec qui tu peux tout dire, une personne ouverte qui écoute beaucoup. Musicalement, c’est une belle personne aussi. Elle connaît tellement de choses. Elle est très sensible, c’est une femme qui n’est pas là pour faire des albums à la chaîne. C’est quelqu’un de classieux, de gracieux. C’est mon pendant féminin. » Pierre : Dans beaucoup de titres, j’ai le sentiment que l’homme répond à la femme et inversement ? Guillaume Cantillon : «Mon coté féminin, c’est un truc que j’ai découvert il y a peu de temps mais que j’assume complètement. C’est une richesse absolue de creuser, de découvrir cette autre facette de soi. Je n’ai pas d’analyse particulière ou de moment où cela m’est tombé dessus. Je ne tiens pas à chercher d’ailleurs. Ecrire des chansons sur le ping-pong des ressentis masculins-féminins, c’est merveilleux. Et je me pose la question de savoir comment on pourrait faire pour que cela se passe mieux.» Pierre : Peut on dire aussi qu’il y a une vie en dehors de Paris et que ça ne te gène pas de marcher dans la boue ? Guillaume Cantillon : «Là j’ai envie de te dire Michel Delpech (rire). Tout le monde me voit très nature, ce qui est vrai car je vis à la campagne, mais je suis un petit gars élevé entre des murs de H.L.M. C’est un truc qui me fait triper d’être à la campagne. Mais je t’avoue qu’il y a 4 ans, quand ma compagne voulait y vivre et acheter une maison cela me faisait peur. Etre seul au milieu de rien (rire). J’adore être à Paris, être entouré de gens, sortir, etc. Le fait de faire de la scène, de voir du monde, d’être dans cette émulsion là, tu retournes à la campagne avec une vraie joie de voir des vaches ou de tondre ta pelouse.» Pierre : Tu as enregistré ton disque dans la région de Saint-Emilion ? Guillaume Cantillon : «Enregistrer des voix dans une ancienne cuve à vin, c’est le top. Il y a un grain particulier. Les batteries ont été faites dehors dans les vignes. On l’a enregistré en laissant les tracteurs, les gamins qui jouent dans les alentours. Si tu écoutes bien l’album tu entendras tout ça. Même le vent et… le soleil (rire). C’était impressionnant… surtout en quantité de bouteilles de vin. » Pierre : L’émotion est à fleur de peau sur ton disque, notamment grâce à ta voix ? Guillaume Cantillon : «Chanter j’adore mais après coup. C’est un exercice difficile. Là, en me mettant quelque part à poil je n’ai pas eu besoin d’aller chercher l’émotion. Elle était là dès que je parlais. Cela ne servait à rien de faire 25 prises. Avec ce genre de chanson, tu n’es pas dans le coté technique du studio. A chercher le bon micro et les fréquences adéquates. Edith m’a appris aussi à chanter « au bon moment ». C'est-à-dire qu’elle pouvait me pousser à enregistrer juste après le repas du soir car elle sentait qu’il fallait y aller. Tu as encore ton verre à la main, tu mâches encore ta viande et là il se passe un truc magique où tu es juste au bon endroit et que c’est maintenant que ça se joue. Tu sais que les choses vont raisonner.» Pierre : C’est peut être ta récréation, ce qui est plus pointilleux avec ton groupe devient simple en solo ? Guillaume Cantillon : «Oui. Après je peux apporter cette expérience chez Kaolin. On a recommencé à bosser ensemble. On a fait 5 chansons. C’est super excitant. Je m’ouvre d’autant plus aux autres que j’ai eu la chance de réaliser ce projet qui me tenait à cœur. Ils m’ont accompagné, soutenu et respecté. Toutes les questions d’ego que l’on peut ressentir dans un groupe sont loin. Je suis super fier de nous car nous avons dépassé ce stade.» Pierre : Pour en revenir à ton disque solo : Alors comme ça, malgré le fait que ce soit interdit, monsieur exploite des enfants pour écrire une chanson ? Guillaume Cantillon : «Il y en a d’autres pour ça (rire) je ne suis pas le seul. C’était chouette en tout cas. C’est un travail que j’avais fait pour l’éducation nationale dans une classe de CE2 et c’est un truc qui m’a apporté beaucoup dans l’écriture. Dans le coté : n’ait pas peur de dire les choses simplement, même si cela parait naïf. « Je voudrais être un héros comme Superman et Zorro » jamais je n’aurais osé l’écrire avant de me retrouver avec eux. Et pourtant comme ça raisonne, comme c’est con et comme c’est vrai ! » Pierre : Cinq 7 c’est le palace pour un artiste ? Guillaume Cantillon : «C’est en tout cas la maison de disque qui correspond au projet. Je sais qu’ils font un boulot d’enfer. Je n’ai pas besoin d’aller voir si les disques sont disponibles à la FNAC (rire). C’est vachement important. Tu sais qu’ils sont derrière toi. Les chanteurs qui t’expliquent qu’ils s’en foutent c’est totalement faux. » Pierre : Pour terminer, jusqu’ où aimerais tu que tes ballons rouges s’envolent ? Guillaume Cantillon : «J’espère jusqu’à une certaine altitude vers la lune. Dans une image poétique de môme ultra naïf. C’est agréable de se laisser aller à ça. »