Un grand nombre d’intégristes rock vont se faire rétamer sec par une petite blonde de 24 ans, frêle mais obstinée, qui vient de sortir un album impudique mais de grande classe après quelques années de péripéties dans le star-system des journaux people. Même Benjamin Biolay n’a pas encore digéré la voix de cristal d’Elodie Frégé. On ne renie pas son passé on construit son avenir avec, c’est donc ce qu’elle a fait avec son « Jeu des 7 Erreurs ».
Pierre : Je ne vais pas faire l’hypocrite, avant cet album jamais cela ne me serait venu à l’idée de faire la démarche d’une interview avec toi ? Elodie Frégé : Ho mais ça je l’imagine très bien (rire). Même moi je ne me serais pas demandé une interview (rire) ! Pierre : L’album a commencé lorsque tu as rencontré Benjamin Biolay ? Elodie Frégé : Pas tout à fait. A la fin de la tournée que j’avais faite avec la Starac’ j’en avais déjà marre de chanter au milieu d’un groupe. J’avais besoin d’indépendance. Je m’étais remise à la guitare, j’avais griffonné quelques textes et début septembre, épaulée par de nouveaux agents, je me cherchais des producteurs pour m’aider dans un projet dont le but était de revenir vers mes base. Pierre : Alors justement dis moi, quelles sont tes bases qui me semblent loin de la variété ? Elodie Frégé : Tout démarre par mes parents nés fin quarante et donc influencé par les années 60-70 qui m’ont fait écouter toute petite leurs vinyles qui allaient de Brassens à Gainsbourg, de Brel aux Beatles. Depuis je suis très imprégnée par les beaux mots et les jolies mélodies. J’adore écrire et composer ! Et puis en ayant fait 8 ans de guitare classique, peut être que je pouvais espérer sortir quelque chose de personnel. Pierre : Donc tu pars avec tes maquettes sous le bras chez Universal ? Elodie Frégé : Oui ! je m’étais choisi un nouveau directeur artistique qui s’était occupé de Gainsbourg ou de Daniel Darc, des gens qui me correspondaient un peu plus finalement. Quand je leur ai fait écouter, j’étais gênée mais ils ont été agréablement surpris par mes chansons « tortueuses ». Ils avaient devant eux soudain une fille qui n’était pas en adéquation avec ce qu’ils pensaient de moi. Ils m’ont laissé chercher un réalisateur qui correspondrait à mes nouveaux besoins. Pierre : D’où une ribambelle de noms ? Elodie Frégé : J’ai contacté Gonzales mais il n’était pas libre. J’ai rencontré plein de gens, dont Christophe qui avait vu en moi un potentiel inexploité. Il voulait absolument m’écrire des titres mais bon, disons que c’est très difficile de le coincer Christophe, il est sur une autre planète. Donc je me retrouvais avec mes chansons sous le bras, quand un jour, lors d’un concert de Florent Marchet, j’ai rencontré Benjamin Biolay. Pierre : Là vous n’écoutez que votre courage pour aller le solliciter ? Elodie Frégé : Je l’ai croisé dans les coulisses et je n’avais pas le choix : je devais lui dire que j’adorais son travail, qu’il était pour moi l’élégance même des auteurs-compositeurs en France. Mais dans ma petite tête c’est un garçon tellement raffiné qu’il ne pouvait pas me connaître. Donc je lui ai dis « Tu ne sais sûrement pas qui je suis (dieu soit loué) mais je suis en train d’écrire des chansons » et là il me répond qu’il me connaît et qu’il sait que j’ai gagné une émission de télé-réalité. Pierre : Tu pensais que c’était fini ? Elodie Frégé : Je lui ai dit que j’espérais qu’il n’avait pas écouté le premier album (rire). Je lui ai expliqué que j’étais en train d’écrire mon deuxième album et je lui ai donné le nom de mon agent car j’étais trop intimidé pour le contacter directement. Et finalement nous avons déjeuné et puis il m’a laissé jouer à la guitare une de mes compositions «Je sais Jamais ». Sans à priori, sans me mettre une étiquette sur le front. Pierre : Et je suis certain qu’il fut surpris comme tout le monde ? Elodie Frégé : Oui ! mais lui il ne m’avait jamais entendu chanter avant. C’était un plus pour moi. Mes chansons, je ne les chante pas comme une chanteuse à voix qui doit se prouver des choses. Pierre : Tu avais pourtant user ce style ? Elodie Frégé : Je peux être gueularde mais je n’éprouve pas autant de plaisir que lorsque je chante l’une de mes chansons avec laquelle je fais corps. Donc Benjamin à la fin de ma chanson j’ai quand même osé lui dire que je cherchais un garçon comme lui pour produire ce disque et il m’a simplement répondu ok, on commence quand ? Pierre : Ce qui est encore plus charmant dans ton disque, c’est que la première fois que j’ai écouté le disque, sans faire attention aux crédits je me suis dit, l’animal lui a fait 14 belles chansons et je fus super surpris de voir que la moitié des titres étaient signés Elodie Hymself ? Elodie Frégé : Ecoute je ne savais pas que j’en étais capable ! Je suis quelqu’un de pudique tout en ayant un grand besoin de m’extérioriser. Avant je n’étais pas extrêmement bien dans ma peau… bon là je ne suis pas tout à fait bien (rire) mais en tout cas le fait d’avoir fait ça j’ai pu projeter mes angoisses. Pierre : Vos deux styles se marient très bien ? Elodie Frégé : Quand il me faisait écouter les maquettes j’étais très émue, parce que j’avais l’impression que ce qu’il m’écrivait venait de moi. Que mes chansons et les siennes n’étaient sorties que d’une même personne. Pierre : Vous avez en plus une grosse modestie face à votre métier tous les deux, qui ne se montre pas de la même manière, mais qui est bien là ? Elodie Frégé : Ha bon tu trouves Benjamin modeste ? (rire) C’est peut être que l’on vient de province et qu’on ne sait jamais si on va arriver à faire quelque chose. Tu sais on vient vraiment de la cambrousse tous les deux. Pierre : Il y a également ce titre génial qui s’intitule « La Fidélité » la dernière chanson écrite par Jacques Lanzmann où là aussi, il te pousse dans tes retranchements ? Elodie Frégé : Je lui ai demandé d’écrire ce texte car il y a des choses que je n’arrive pas à exprimer. Je suis plus douée pour écrire des textes mélancoliques qu’ironiques. Je lui ai demandé de parler d’un sujet tranchant qui peut être dramatique comme l’infidélité, ou la jalousie, deux thèmes qui font partie de mes angoisses dans la vie. Quelques semaines plus tard il m’a pondu « La Fidélité » où c’était moi qui n’était pas la victime mais la manipulatrice. J’ai pris beaucoup de plaisir à chanter cette chanson. Déjà le rythme disco m’a littéralement envoûté … Pierre : Et le « 3-4 » pour marquer le tempo avant le refrain est dantesque ? Elodie Frégé : Hou ! le ‘3-4’ c’est de moi ! (rire) en fait pour l’enregistrer je n’ai fait qu’une prise voix sur cette chanson, et je devais guider les musiciens qui ne savaient pas quand démarrait le refrain, je devais absolument faire 3-4 et comme c’était très drôle nous l’avons laissé. Pierre : Alors dans le disque tu es servie par des hommes mais qu’est ce qu’on en prend pour notre grade ? Elodie Frégé : Ca c’est vrai ! Je ne critique pas vraiment les hommes mais je parle de choses que je crains me voir tomber sur la tête. Ce sont des angoisses projetées. Pierre : Avoir choisi la chanson « Le Jeu des 7 erreurs » pour nominer ton album c’est parce qu’à ton avis c’est celle qui te correspond le plus ? Elodie Frégé : On cherchait un nom spécial. Et finalement en regardant les titres j’ai trouvé qu’il était parfait. Pascal Nègre voulait l’appeler « Chez Moi » mais je suis contente de ce titre. De plus je tenais à symboliser le mariage entre Biolay et moi. C’est quand même le truc qui surprend le plus ! Tu vois en plus, je ne sais pas si tu sais mais c’est un duo. Pierre : Je te rassure j’ai vraiment écouté l’album ! Elodie Frégé : «(gênée) ho j’en suis sure.» Pierre : Cette idée de duo tu l’avais dès le début, ou c’est venu au cours des sessions d’enregistrements ? Elodie Frégé : Il y a pas mal de choses qui sont venues en studio. Un jour il est arrivé avec 3 chansons et dans ces trois chansons il y avait ce titre et il m’a simplement dit qu’il aimerait la chanter avec moi. Pierre : Mettre « Est ce que tu le sais ? » de Biolay et « Je Sais Jamais » de toi, deux de vos chansons l’une derrière l’autre c’était un clin d’œil ou vous ne vous en êtes pas rendu compte ? Elodie Frégé : J’adore ! C’est lui qui me pose la question et moi qui répond dans deux chansons différentes. Ca m’illustre bien car je suis quelqu’un qui doute souvent. C’est comme si tu vois, il me posait la question « est ce que tu le sais que cet album est magnifique et que tu as réussi quelque chose de formidable » et je me vois très bien lui répondre « je sais jamais et j’attendrais l’avis du public ». Pierre : Ce qui semble une constance sur ce disque c’est que tu as l’air d’avoir été drôlement secouée par le manque de sincérité dans les rapports amoureux, penses tu que la cour assidue et les strass des plateaux télé ont été un miroir aux alouettes qui aurait très bien pu mal tourner pour toi ? Elodie Frégé : J’ai toujours pensé comme ça par rapport aux relations amoureuses. Je suis très nostalgique du romantisme. Evidement il y avait toujours l’adultère, la jalousie, le manque de communication mais à notre époque j’ai l’impression de subir la normalité du libertinage. On se marie, on divorce, on se re-marie, on se fait tromper par sa meilleure amie et je trouve qu’il manque une certaine grâce dans le vie. Pierre : Est ce qu’Elodie cherche encore le bonheur ? Elodie Frégé : Bien sur ! On va dire que je ne suis pas aussi malheureuse que ce que j’évoque mais de toute manière on se fait chier quand on écoute « tout va bien madame la marquise ». Pierre : Sur « Chez Moi » tu avoues des choses à ta famille ? Elodie Frégé : On a une espèce de pudeur que je trouve assez malsaine maintenant que je suis partie : dans notre clan on ne sait pas se dire qu’on s’aime. Il y a un gros manque de communication et d’affection. C’est peut être aussi pour ça que je doute des sentiments. Mon vieux t’es en train de me servir de psychanalyste (rire) ! Pierre : Le fait que le premier disque n’ait pas marché, ce fut salvateur ? Elodie Frégé : Ho que oui ! Si j’avais vendu 600 000 ou 1 million d’albums j’aurais été bien embêtée parce qu’on ne m’aurait pas laissé faire ce que je voulais. Ils m’auraient laissée dans cette case dans laquelle j’étais coincée. Pierre : Tu sais aussi, qu’avec cet album tu vas tourner définitivement le dos à un certain public sans être certaine de conquérir l’autre ? Elodie Frégé : C’est possible quoi que j’ai l’impression qu’une partie de cet ancien public va grandir avec moi. Et puis je peux servir modestement à faire découvrir aux gens ce genre de musique. C’est vrai que les adolescents n’ont peut être pas intérêt à décortiquer mes textes mais peut être qu’à la place je vais toucher un public plus pointu, élégant et raffiné. Comme cela me correspond plus, ça me fait du bien. Je fais un mixe entre mon côté populaire tout en étant à la base quelqu’un qui a des aspirations lyriques et littéraires. Je ne sais qu’une chose, c’est qu’il me faut rester moi même car je me suis fait trop de mal par le passé. Pierre : Tu étais prête à ne pas sortir d’album s’il n’avait pas eu la couleur que tu souhaitais ? Elodie Frégé : Franchement j’aurais pu attendre 5 ans avant de pouvoir enfin faire cet album là car je l’attendais ! Pierre : Le regard des autres à ton égard et en sachant que tu n’étais pas ce que les gens pensaient, t’a t’il fait du mal ? Elodie Frégé : Parfois c’est chiant de se justifier. J’en avais marre. Ca me fait tellement de bien de pouvoir parler de choses intéressantes dans les interviews ! D’avoir des choses à assumer… avant on me regardait plus que l’on ne m’écoutait et ça (même si je m’exprime très mal à l’oral) je préfère qu’on m’écoute raconter ce beau projet que de répondre à « Alors les amours ?» Pierre : Tu me sembles être une grande perfectionniste alors qu’est ce qui manque sur ce tableau sans erreur ? Elodie Frégé : Oui mais ça n’a rien à voir avec une erreur. Il manque une chanson que j’ai écrite avec une amie qui s’appelle Josephine Graille et qui s’appelle « Paris ». J’ai hâte de la chanter à un public. Pierre : Et tes dates de concert alors ? Elodie Frégé : J’ai deux dates au café de la danse le 07 et 08 décembre. Sinon j’adorerais faire le Bataclan. Pierre : C’est mieux de faire une interview avec moi ou avec un journaliste de Télé 7 jours ? Elodie Frégé : Je réfléchi… Pierre : Ho mince je pensais rafler la mise directement ! Elodie Frégé : Attends tu n’es pas le même ? (rire).