Aldebert raconte des petites histoires. Des minuscules maquettes fiché, on ne sait comment, en bouteille. Et comme un message à la mer, pour envoyer des SOS d’espoirs, ces bouées de bonnes humeurs reviennent inlassablement sur la cote de nos scènes françaises. On ne va pas s’en plaindre, il y a des pollutions bien pire. Vivement d’ailleurs la prochaine livraison.
Pierre : Vous avez fait un disque qui respire le bonheur mais savez vous que les grecs déclaraient qu’il fallait toujours à un moment ou un autre payer le prix du bonheur dans la vie et en êtes vous prêt ? Aldebert : Aïe ! A vrai dire, cette idée fait partie de mes angoisses, l’idée que tout va se payer un jour ! Ce doit être les séquelles de l’enseignement catholique reçu enfant, cet espèce de « dolorisme » latent : « quand on est heureux, on finit par le payer ! »…c’est assez flippant ! Pierre : Pour finir sur le bonheur, vous semblez presque dire qu’il faut savoir le trouver, pensez vous que l’on ai oublié de le chercher ? Aldebert : A l’heure d’aujourd’hui et dans la société dans laquelle nous vivons, le souci de tout un chacun serait, dans un premier temps, de réduire les problèmes et soulager les souffrances…Arriverait au second plan la recherche du bonheur. Si tant est qu’il existe…je n’apporte pas de solutions ou de réponses au travers de certaines chansons mais j’essaie de faire le tour de la question. Pierre : Intituler votre album « Les Paradis Disponibles », chanter « Des Chatons dans le Panier » c’est nous rappeler qu’il n’est pas indispensable de toujours chercher ailleurs ce que l’on a peut être au seuil de sa porte ? Aldebert : C’est souvent le cas. En tout cas chez moi et chez pas mal de gens : le fait d’être incapable de se satisfaire du moment présent, j’ai pu remarquer le nombre de couples et de familles qui s’engueulent sur les plages l’été en vacanxes, c’est affligeant ! je ne dis pas qu’il faille sourire béatement 24 sur 24 mais c’est souvent difficile de prendre du recul par rapport aux événements…le fait de vivre dans un pays où il n’y a pas la guerre ou la famine représente déjà une chance. Mais c’est un réflexe humain ne toujours chercher ailleurs… Pierre : Le Aldebert chanteur positif est-il identique dans sa vie personnelle ou joue t’il « je vais bien tout va bien » pour se retrancher dans sa mélancolie loin des scènes ? Aldebert : J’essaie de ménager mon entourage le plus possible en exposant le moins possible ma toujours présente mélancolie…Je n’pense pas qu’il y ait une grande différence entre mon attitude en scène et dans la vie de tous les jours, en fait, il faudrait poser la question aux gens qui vivent avec moi mais je n’pense pas être quelqu’un de triste ou morose au quotidien, la scène reste quand même l’espace plus dopant en matière de bonne humeur, c’est pour moi une espèce de mini-stage intensif de « positif » à chaque représentation. Pierre : Vous chantez « l’homme descend du songe » sur un rythme africain, avez vous une affinité particulière avec l’Afrique ? Aldebert : Pas vraiment, je ne m’y suis jamais rendu, l’envie est là en tous cas. J’avais envie d’apporter un côté « world » à ce titre.j’ai lu quelques ouvrages sur la question et un thème comme « les origines de l’homme » me passionne. J’avais envie de m’amuser à détourner toutes les hypothèses à ce sujet. Pierre : On vous compare a Georges Brassens mais j’irais bien voir une filiation vers Louis Chédid ? Aldebert : A l’instar de Brassens, Chedid reste une grande référence, il est dans mon « ptit panthéon » de la chanson avec Renaud, Nino Ferrer, Nougaro… Pierre : Vous faites un inventaire des baisers, pouvez vous me dire lequel vous reste le plus cher ? Aldebert : Le premier, sans hésitation c’est celui que l’on n’oublie pas puisqu’il est en général accompagné d’une énorme appréhension, et qu’il fait tout basculer ! Pierre : Vous dites aussi « tant de chansons sur l’amour » alors pourquoi en faire des nouvelles et quel est le particularisme de l’amour d’Aldebert dans ses chansons ? Aldebert : Faire une chanson d’amour n’est pas très difficile en soit. Le plus dur est de trouver un angle, c’est là qu’est la difficulté : arriver à trouver un axe un peu décalé. Dans Lulue Marlène, je me suis intéressé à tous les détails qui sous forme d’énumération représente, à mes yeux, le plus la personne, j’aime cette idée de particularisme. Comme je viens du dessin (par mon père lui même dessinateur) et de la photo, j’aime m’attacher aux détails. Pierre : Il y a une superbe chanson hommage à votre papa sur le disque, vous lui devez beaucoup ? Aldebert : Merci Je lui dois mon amour pour la musique et l’image je pense. J’avais envie de lui rendre hommage mais en évitant les lieux communs et en insistant sur l’idée de « héros ordinaire », j’aime bien cette formule, j’ai toujours beaucoup de tendresse pour les personnages avec des failles, une fragilité affichée…mon père est un peu comme ça. Ce n’est pas le « papa costaud sûre de lui, qui sauve la terre » Pierre : Après vous êtres étreints avec un singe sur l’album précédent, vous faites un câlin avec un ours, ou allez vous vous arrêter ? Aldebert : Au prochain album : je couche avec un saumon ! (rire) C’est un peu un hasard si là encore, c’est un animal qui m’accompagne…l’ours est une idée de la photographe qui souhaitait quelque chose décalé par rapport au titre « les paradis disponibles »…rien de « zoophile » derrière tout ça… Pierre : Vos études en photographie vous ont fait comprendre que l’image aussi est importante pour un chanteur ? Aldebert : Oui, bien que je ne m’attarde pas spécialement sur l’image que je peux véhiculer au sens figuré, par contre j’interviens toujours sur le graphisme des différents supports (affiches, couv, photos…) en particulier sur le DVD sur lequel j’ai pu dessiner les différents menus. J’ai pu également réalisé un 52 mn qui figure sur les bonus du DVD. Ce genre de support est très épanouissant puisqu’il y a tout ce que j’aime : de la vidéo, du dessin et du son. Pierre : Dans votre « Album Photo » il y a tous les clichés d’une vie en image, alors toujours argentique ou êtes vous dans l’air du temps et numérique à flasher tout et n’importe quoi ? Aldebert : J’ai toujours ce besoin de faire des images, rapporter des souvenirs pour me prouver que ces moments ont « bien existés » J c’est un peu une névrose qui vient directement de cette angoisse du temps qui passe. Quant aux supports c’est franchement numérique pour la photo et vidéo, je ne suis pas du tout fétichiste des appareils « vintage » ….pour les guitares, c’est pareil. Pierre : Le terme « artiste de scène » est souvent galvaudé mais chez vous il représente vraiment beaucoup non ? Aldebert : C’est le plus important, j’ai commencé à chanter dans les bars, j’aime cette façon de travailler, le côté « music-hall » du développement par la scène. Je suis moins à l’aise avec les médias par contre. Je préfère la relation direct et rapide d’une prestation scénique. Il n’y a pas d’intermédiaire et on ne peut pas tricher. Pierre : Il y a une idée de partage avec votre public, comment l’entretenez vous hors scène, par le net par exemple ? Aldebert : Par le biais du forum qui présente une belle effervescence : une vraie famille s’est crée, Christophe, le pianiste en est le médiateur avec quelques membres du forum. De mon côté, je vais à la rencontre du public au sortir de la scène. Nous discutons du spectacle et de choses et d’autres, j’ai besoin de cette relation pendant le concert et après également. En général je passe bien deux heures après le spectacle dans le hall de la salle avec le gens, c’est plutôt sympa. Pierre : Alors pour terminer : l’amour c’est comme le service militaire, ceux qui ne l’ont jamais fait ne savent pas ce qu’ils perdent ? Aldebert : Je ne la connaissais pas celle-là, sauf que je me serais volontiers passé de ces 10 mois à la base aérienne de Dijon, la réciproque me paraît plus difficile !