Romane Serda - Chronique Album "Après la pluie" - Pierre Derensy
Faire de la jolie musique posée sur de jolis mots n’est pas évident, les chanter est encore une autre paire de manches. Certains artistes sont auteurs, d’autres compositeurs, enfin les plus chiches sont simplement interprètes, il n’y a pas de règles à ce poker (qui peut devenir menteur).
Il existe aussi dans la pure tradition musicale des histoires bien faites : une alchimie se créant entre un auteur et un compositeur. Une collaboration sur un long terme qui monte crescendo pour le meilleur.
k Transformer le plomb que chacun porte à ses chaussures de solitaire en une paire de semelles d’or communautaires. Enfin il y a le Pygmalion et la Muse : Amanda Lear et Salavor Dali : non, oubliez ce que je viens de dire : prenez plutôt Romane Serda et Renaud Séchan avant qu’ils ne re-posent sur une couverture de Paris-Match et kidnappons les pour causer de leur deuxième enfant : « Après la Pluie ».
Dans le cas qui nous préoccupe, Romane pourrait se passer de Renaud pour écrire de belles choses (d’ailleurs je pense que la solution de facilité aurait été de le faire sans lui) mais pourquoi se priver d’un atout majeur. Un stradivarius dans les mains de Yehudi Menuhin, ça ne fait pas hurler au sacrilège ? c’est la magie des deux qui donne tout le piment à l’œuvre. Et quand je dis cela je ne minimise pas l’importance de cette fichue blonde sur le travail de ce vieux châtain de renard. Bien au contraire, j’ai l’impression qu’elle peut devenir prioritaire au carrefour des réussites musicales de 2007.
Accueillant, touchant, émouvant, cet album ou plutôt cet objet, démontre que Romane Serda est comme Tintin : universel de 7 à 77 ans et plus encore. Dans les propos, dans la musique, dans le graphisme, c’est un disque contemporain qui comble le vide de l’espace et le silence de la nuit. En espérant que cette audace poursuive une évolution sur scène.
Alors qui est qui dans leur couple, qui fait quoi, je laisse la presse people décider, ce que l’on peut constater du seul point de vue artistique, c’est que les 12 chansons de ce joyau acoustique sont toutes en accord avec une ligne qui doit aller de l’Irlande aux USA, sans tomber dans le cliché d’une musique surproduite (merci à Peter Glenister).
Quand Romane chante, ce sont les films de Claude Sautet qui s’invitent dans un univers tendre et distingué. C’est le portrait en négatif d’une Romy Schneider qui vampirise l’oreille et captive son auditoire. A noter que pour la première fois de ma vie, je me demande si Renaud ne devrait pas uniquement proposer ses poèmes à sa belle : car je n’ai jamais dit qu’il ne chantait pas bien mais là, habillées de velours ses rimes, prennent un autre sens. Elle a de plus, la distinction de chanter des thèmes graves ou familiers avec une grâce de reine tout en restant universelle et sensuelle, pleine de pudeur dans les rythmiques et l’orchestration, haute candeur aussi dans le ton mais n’ayant pas peur de se confronter à des propos brûlants.
Finalement dans le jeu de convaincre les sceptiques qu’une jolie femme couleur de paille a quelque chose de plus à dire que des commodités d’usage dans un avion d’Air France et que tout peut être intelligemment agencé dans sa tête: il vous suffit d’écouter « Après la Pluie » pour en avoir la preuve et de laisser le dernier single de son mec dans les bacs, car je pense que dorénavant elle n’a plus besoin de personne pour se défendre.