Interview

Jean Guidoni - Interview - Pierre Derensy


Jean Guidoni est un verbaliste, un phraseur féerique qui pose ses mots sur des mélodies, un homme en exil cherchant le gracieux depuis 30 ans, celui qui connaît la technique du plein et du délié, un graphomane sur cahier ou nappe de tout horizon. Ligaturant ses chansons par des assemblages de thèmes sensuels comme la danse ou l’amour. Son nouvel album « La Pointe Rouge » est un véritable disque, construit toujours de lettres mais batti pour et avec la musique de Nicolas Deutsch. Le point de jonction entre ce qu’il a été et ce qu’il sera. A tel point qu’on ne peut savoir si le musicien a pris la barre de son navire ou si le poète s’est mis à chanter. Si l’un et l’autre de ces 2 associés ne forment plus qu’une seule et même personne nous emmenant en voyage au pays du verbe. Peut être pas un nouveau départ, juste une continuité.

Pierre :
« La Pointe Rouge » peut être considéré comme l’un de vos plus beaux voyages ?
Jean Guidoni :
Je pense que oui. En tout cas pour faire ce voyage, cette pointe est un beau départ. C’est un disque que j’ai voulu complètement. Un projet que j’ai eu entre mes mains. C’est un disque de vérité.
Pierre :
Ce disque est la résultante de « Trapèze » votre précédent album ?
Jean Guidoni :
Il est en tout cas dans la logique humaine. Ma rencontre avec Edith Fambuena m’a donné l’envie de pJean Guidoniuivre les collaborations. Ca m’a permis d’aller vers d’autres artistes. D’oser aller vers eux.
Pierre :
Et notamment Nicolas Deutsch, à qui vous confié le son de votre disque ?
Jean Guidoni :
C’était normal car il m’avait adapté les chansons de « Trapèze » pour la scène et c’est bien aussi de travailler avec des gens qui ont quelque chose à prouver. Qui ont du talent mais qui n’ont pas encore eu l’occasion de réaliser un disque. Quand je sens que les gens ont le talent et l’envie de faire ça : je suis ravi. Là je tenais à lui laisser les mains libres.
Pierre :
C’est lui ou vous qui vouliez illuminer cet album ?
Jean Guidoni :
C’est surtout Edith, qui est une femme très positive. Elle m’a ouvert les yeux. Depuis un certain nombre d’années ce n’est pas que je tournais en rond, ce n’est pas que je ne voulais pas aller vers la lumière, mais je n’osais pas. Et là, elle m’a épaulé, elle m’a donné l’impulsion d’y croire. Et Nicolas qui a une trentaine d’années est issu d’une autre culture que moi et m’amène vers une autre musique. C’était un rendez vous important.
Pierre :
Vous parlez merveilleusement de l’amour. Selon vous, l’amour est-il une danse qui se pratique à tout âge ?
Jean Guidoni :
Oui. Heureusement. Après il y a quelques pudeurs qui s’installent. On a un autre regard sur les gens. La séduction se passe ailleurs. Sur scène, la séduction est intemporelle et heureusement, mais dans la vie c’est différent, on change de statut : on était le frère, après on est le cousin et puis on devient l’oncle (rire).
Pierre :
Vous semblez aimer votre voix dorénavant ?
Jean Guidoni :
Ecoutez là je suis en pleine répétition et je le ressens vraiment. Ce n’est pas de l’assurance mais un réel plaisir de chanter. Avant, j’étais plus axé sur le mot, sur le dire. Là j’ai le plaisir de chanter. C’est très jouissif.
Pierre :
Pour Jean Guidoni est ce que tout vient à point à qui sait attendre ?
Jean Guidoni :
Je crois. Il faut être très pugnace. Il faut prendre les choses comme elles viennent. Avec du recul, et se dire que ce qu’on fait, ce qu’on a fait n’est pas forcément perdu en tout cas dans le laps de temps que l’on a à vivre. Il faut attendre, car chaque chose en son temps et finalement cela dépend essentiellement de soi même et du contact que l’on a avec la vie.
Pierre :
Sur le disque, vous parlez beaucoup de votre métier, teniez vous à faire le point ?
Jean Guidoni :
C’est plutôt une constatation ponctuelle. Je différencie le Jean Guidoni qui est dans la vie et celui qui est sur scène. Mais j’aime l’idée que celui qui est dans la vie pousse celui qui monte sur scène.
Pierre :
Pourquoi avoir choisi « La Pointe Rouge » comme titre d’album ?
Jean Guidoni :
C’était symbolique. La Pointe Rouge est une plage de Marseille, j’habitais cette ville et cette plage était un endroit qui paraissait inapprochable et en même temps, cet endroit symbolisait pour moi le voyage. J’ai du fuguer 2,3 fois et à chaque fois je me cognais contre cette Pointe Rouge devant la mer. C’était également une symbolique que j’avais oubliée et j’avais besoin de me la rappeler… encore une fois histoire de faire le point.
Pierre :
Pour écrire les chansons du disque vous êtes devenu critique musical ?
Jean Guidoni :
En commençant à écrire, je voulais sortir des schémas habituels et je me suis dit que j’allais écrire une critique idéale. Je voulais voir ce que ça donnait si je me regardais moi même avec les yeux d’un critique de disque. Ca a été le départ, c’est ce qui m’a donné l’envie, ce qui m’a motivé. J’écrivais 2,3 critiques de chanson qui n’existaient pas et en même temps j’inventais des phrases au fur et à mesure. Après je me suis mis à travailler normalement.
Pierre :
Vous semblez écrire des nouvelles pour seulement ensuite les couper et les formater au format d’une chanson ?
Jean Guidoni :
J’écris effectivement des choses assez longues. C’est là que le travail avec Nicolas est important, avec sa musique. Je lui ai confié des mots, des phrases, des chansons longues pour lui laisser travailler les mélodies. Ensuite je suis ré-intervenu pour écrire correctement des textes dessus. Pour ce disque je voulais donner beaucoup d’importance à la musique.
Pierre :
En aviez vous marre d’être comparé à un poète plutôt qu’à un chanteur ?
Jean Guidoni :
J’espérerais être un peu poète (rire). Mais c’est vrai que je suis souvent taxé de trop de mots alors que je viens de la chanson. Bon, je reconnais que je viens d’une forme de chanson particulière mais maintenant elle est plus ouverte, plus lumineuse. Même dans mon écriture.
Pierre :
Dans la vie, êtes vous ce mélange de calme et de tempête qui s’entrecroisent dans votre disque ?
Jean Guidoni :
Tout à fait ! Des fois ça me fait peur car je suis un peu soupe au lait… mais j’ai beaucoup de patience.
Pierre :
Vous invitez 4 oiseaux sur votre disque : Jeanne Cherhal, Dominique A, Katerine et Mathias Malzieu ?
Jean Guidoni :
Ca a commencé avec Dominique A qui m’avait invité à chanter avec lui. Donc je me suis permis de lui demander une chanson, car j’aime beaucoup son travail. C’est lui qui a donné le coup d’envoi. Ensuite, je me suis contenté de répondre à la question de savoir qui j’aimerais avoir sur mon disque et ils ont répondu présent. Il faut dire que ce fut des rencontres amicales en toute sincérité.
Pierre :
Cette idée d’être le guide de la nouvelle chanson française, vous la trouvez justifiée ?
Jean Guidoni :
Justifiée je ne sais pas, en tout cas je peux dire que ce furent eux qui ont été mes guides en l’occurrence pour ce disque. Je pense avoir ouvert quelques portes dans les années 80. Une autre façon de chanter peut être. Je ne peux pas avoir la prétention d’être un guide mais si j’ai ouvert des portes, j’en suis très content.
Pierre :
Vous donnez 11 concerts à la Boule Noire ?
Jean Guidoni :
C’est une salle assez particulière. Pas très grande et ouverte. C’est à dire qu’on peut y faire un peu ce qu’on veut. Cela me donne l’occasion de faire enfin ce que j’aurais aimé faire au départ. C’est de mélanger la musique et le théâtre : mais sur un abord plus musical.
Pierre :
J’ai l’impression que dans toute votre carrière, vous avez fui l’idée de faire un tube alors qu’il vous aurait été super facile d’en faire un ?
Jean Guidoni :
On ne peut pas forcer les choses, si j’avais été un chanteur à tubes je me serais creusé la tête pour faire un tube. Mais si succès il doit y avoir, je préfère qu’il soit naturel. Que je ne sois pas l’effet d’une mode. Je suis trop vieux pour être à la mode (rire).