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Interview

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A tous les artistes en herbes qui chercheraient à innover dans la musique, je commencerais par leur indiquer que tout, je dis bien tout, a déjà été inventé mais que cela n’empêche qu’il reste des bonnes histoires à raconter. Et pour exemple je citerais le merveilleux deuxième album d’Emily Loizeau « Pays Sauvage ». A quelques jours de la sortie de ce disque j’ai donc rencontré l’Emily dans un taxi. Et comme je ne suis pas avare de belles citations, je rajouterais « Fais comme Loizeau, ça vit d’air pur et d’eau fraîche un Loizeau et jamais rien ne l’empêche d’aller plus haut ». Si vous tenez à prendre de la hauteur courrez acheter ce cd qui donne des ailes.

Pierre :
Avant de parler de votre « Pays Sauvage », pouvez vous me dire si vous êtes allé au cinéma hier vois « King Guillaume » dont vous faites la B.O ?
Emily Loizeau :
«Je suis allé à l’avant-première. Je convie tout le monde d’aller voir ce beau film que je trouve râre. C’est un film qui se présent sous le jour d’une comédie burlesque mais qui est beaucoup plus original que ça. Il est toujours sur le fil d’une émotion assez pur et assez simple. C’est courageux de faire ce genre de cinéma. Sur le fil du rire et des larmes. Il faut absolument aller le voir.»
Pierre :
Votre disque sort très bientôt, comment vivez vous ces quelques jours ou vous allez livrer votre deuxième bébés au public ?
Emily Loizeau :
«Ecoutez c’est un moment assez émouvant et pourtant comme je suis dans la préparation du live je ne m’en rends pas vraiment compte. Ce qui nous préoccupe le plus, moi et mes musiciens c’est de faire un beau spectacle de tout ça. On reçoit avec bonheur les bons accueils et en même temps on se concentre sur autre chose. »
Pierre :
Je me suis trouvé une occupation : je me connecte sur votre site internet pour écouter le bruit de la nature et ainsi travailler, avez-vous fais pareil ?
Emily Loizeau :
«Je me suis effectivement refugié dans une maison au milieu des montagnes d’Ardèche. Au milieu des éléments. C’est un pays très brut et un pays ou les éléments sont omniprésents. Un rapport à la terre, aux racines, au vent. On se prend tout ça en pleine face et je crois que ça m’a beaucoup nourri pendant l’écriture de ce disque. »
Pierre :
C’est une sorte de phalanstère ardéchois ?
Emily Loizeau :
«C’est un disque communautaire qui est parti d’une grande solitude. J’ai du m’isoler. Cela n’aurait pas été possible de le réaliser sans savoir ce que je voulais faire réellement. Les sons venaient, les idées venaient et je devais savoir le pourquoi afin de partager ça avec les autres. C’est un équilibre parfait entre ma grande solitude que je chérie et dont j’ai besoin et ce besoin de partager avec des gens en créant une troupe, une troupe éphémère. »
Pierre :
C’était indispensable de partir de votre paradis terrestre ?
Emily Loizeau :
«Oui, je ne peux pas écrire à plusieurs. Je ne sais pas écrire si je ne ferme pas la porte. Par contre j’ai eu envie qu’il y ait une musique de mon batteur et une autre de mon violoncelliste, j’ai eu envie que le son de ce disque parle aussi d’eux. J’aime collaborer mais je ne pourrais pas chanter autre chose que quelque chose qui vient du tréfonds de moi-même. Il fallait partir de la source (rire).»
Pierre :
Est-ce que le choix de ce deuxième titre d’album est un moyen de remercier votre premier album «L’autre bout du monde » ?
Emily Loizeau :
«C’est une réponse. « Pays Sauvage » est une réponse. « L’autre Bout du Monde » était un deuil qui est en train de se faire, alors que là le constat c’est que le rêve on ne le fait plus, le souvenir s’en va, et que c’est à la fois tragique et magnifique car la vie reprend le dessus. Certes c’est un pays brûlé où le souvenir est absent mais c’est un pays ou tout peu commencer. Faire démarrer ce disque par là, c’est une manière de tourner la page afin de parler de la vie.»
Pierre :
« Fais Battre ton Tambour » est peut être la carte de visite la plus représentative de tout l’album ?
Emily Loizeau :
«Ca me fait plaisir que vous disiez ça ! Je vais tout faire pour que ce soit le deuxième single du disque. Ensuite les choses ne se passent pas forcement comme on le prévoit mais c’est exactement ce que vous dites : c’est la chanson la plus caractéristique de ce disque. »
Pierre :
A l’instar de John Henry et de son marteau j’ai le sentiment que vous teniez à ce que l’humain ne soit pas remplacé par la machine à vapeur qui vous aurait conduit peut être là ou vous ne désiriez pas ?
Emily Loizeau :
«C’est une métaphore sur l’industrie du disque (rire). A vrais dire et je n’en fini pas d’être surprise de ça et de remercier mon monde mais j’ai vraiment eu droit à une confiance énorme. Pour le premier par Fargo et pour le deuxième par Polydor. J’avais très peur de passer d’un petit label familial où nous avions un rapport très intime à une grosse machine avec une équipe, certes choisi pour l’intérêt qu’ils portaient à mon projet d’une manière sincère, mais bon ce n’était pas évident d’accepter qu’une nana débarque en proposant de faire un album tout seul, en allant ensuite travailler avec des musiciens en Ardèche pour ensuite inviter tout un tas de gens. Je pensais qu’il y avait au moins la moitié de mes demandes qui passeraient à l’as. Et en fait ils m’ont suivis sur tout. Je ne me suis pas battu pour m’imposer. Ce qui est flatteur et pas forcement faux dans ce que vous dites c’est que j’ai eu envie dans ce disque de rester fidèle à ce que je suis et à ma culture. Que ce disque me ressemble à tout prix, envers et contre tout. Certains vont être déstabilisés par cet album, ils ont même le droit de le trouver moche. Mes effets de voix peuvent surprendre. Pour moi la voix devait être quelque chose d’animal et donc quelque chose qui parle des émotions et du caractère. D’une manière être rassurante et enveloppante puis déstabiliser ou heurter. Ma voix devait traduire ça tout le long du disque. Dans «Ma Maison » ma voix devient plus aride. Je sais que cela ne provoque pas que du plaisir. Je me bats contre un espèce de consensus sonore et musical dans lequel on peut tomber quand on fait de la chanson. En disant ça je ne veux pas que l’on croit que je suis prétentieuse et que je souhaite faire la révolution avec ce disque mais simplement j’avais besoin d’aller au bout de ces choses là.»
Pierre :
Est ce que pour expliquer qu’on a le droit d’aimer Tom Waits et Devendra Banhart et Brassens et Barbara il faut en passer par la musique pour y arriver ?
Emily Loizeau :
«Effectivement en dehors de la musique il n’y a pas beaucoup de moyens possibles. Pour moi le grand problème, pas que en France, c’est le rapport à la langue. Surtout à une tradition musicale qui bride les choses. Ca vous empêche d’être intuitif par rapport au songwritting ou à l’écriture de chanson. Pour moi la musique, qu’importe la langue, permet de faire passer énormément de choses. Le fait que j’ai joué avec des musiciens qui me ressemblent sur pleins de points mais qui sont aussi culturellement très différents de moi avec ce qu’ils ont pu faire musicalement avant notre rencontre, cela m’a permis de m’enrichir d’eux et de toutes leurs musicalités. Ils sont riches et variés. Peut être qu’au travers de leurs musiques j’ai pu de manière unitaire rassembler mes cultures : folk et chanson et classique aussi. »
Pierre :
Le meilleur exemple sur votre album c’est aussi « Dis Moi que Toi tu ne Pleures pas » et « Tell Me That You Don’t Cry » ?
Emily Loizeau :
«A un moment donné je voulais faire un double album mais bon vous savez tous les artistes rêvent de faire un double album (rire). Je voulais faire un disque avec un en français et un en anglais. Dans ces 2 chansons je voulais dire quasiment la même chose, avec la même musique et pourtant cela ne donne pas du tout la même chose. Chanter en français avec quelqu’un comme Danyel Waro cela me permettait de faire comprendre que dans le blues ou la folk, il y a une manière de rechercher dans ses racines, dans la douleur pour fêter ça quelque part. Et le français il a aussi véhiculé ça en s’expatriant. En écrivant ce texte en français je voulais trouver une langue primitive folk en anglais et je me rendais compte que je devenais cajun ou créole. En fait tout ça c’est une boucle qui se boucle (rire).»
Pierre :
Votre écriture est très féerique, nostalgique ?
Emily Loizeau :
«Ce n’est pas de la nostalgie, ce mot me fait peur, je parle plus de mélancolie. Dans la nostalgie il y a du regret et un coté réac. Alors que dans la mélancolie on trouve des choses à transmettre, des peines et des douleurs à résoudre. La mélancolie permet de ne pas oublier.»
Pierre :
Alors votre « Mélancolie » est ce un moyen de vous protéger de la société actuelle ?
Emily Loizeau :
«Je dirais plutôt que ce disque très communautaire est un moyen de lutter contre l’individualisme total, particulièrement dans ce métier de chanteur ou finalement on est plongé dans un rapport carriériste et solitaire malgré tous les gens qui nous entourent.»
Pierre :
En voyant la liste des « guests » j’ai eu peur de l’album de riche qui cherche à impressionner ?
Emily Loizeau :
«Moi aussi je me suis dis ça (rire). Quand on a fait la liste ça donnait l’impression qu’il n’y avait que des duos. C’est pour ça que j’ai insité sur le mot « Featuring » sur la pochette, car Herman Dune ou Moriarty par exemple sont là comme des gens qui sont venus jouer avec nous. Ils ont chantés mais ils auraient pu ne pas chanter… on a vraiment formé un groupe. »
Pierre :
Pour la scène doit on s’attendre à ce que vous étendiez votre ménage à trois ?
Emily Loizeau :
«Oui on est cinq sur scène. Malheureusement mon batteur a eu un accident de scooter assez pénible ce qui fait que ce sera une batteuse qui va le remplacer jusqu’au mois d’avril. »
Pierre :
Comment en arrive t’on à recevoir un Jean Loup Dabadie en invité pour 1 titre ?
Emily Loizeau :
«Je suis quelqu’un qui fut coupé en deux par « Ca n’arrive qu’aux Autres » et « Les Choses de la vie ». Ces 2 chansons me semblaient très intimes. A chaque fois que je lis un texte de lui, ses textes sont incroyables. Je parlais de ça aux rencontres d’Astrafort parc’que j’étais la marraine l’année dernière. Et j’ai cité son nom, en disant qu’il écrivait pour des monstres sacrés et qu’il était hors de question de lui demander. Ils m’ont fait comprendre que j’étais conne de penser de cette manière et en y réfléchissant j’ai aussi trouvé ça très con (rire). En même temps mon disque était quasi-bouclé. C’était un disque très personnel. J’avais écris une musique sur le thème de la messagère d’Orféo de Montéverdi, une sorte de variation, et comme je ne l’avais pas utilisé je m’étais dis que je la mettrais si Dabadie accepte. On l’a contacté et il a accepté. En plus avec l’immense bonheur de le voir très enthousiaste sur le projet. »
Pierre :
C’est en tout cas beaucoup mieux qu’il écrive pour vous que pour Michel Sardou !
Emily Loizeau :
« (rire) Sans commentaires. »
Pierre :
Pour terminer pourriez vous me dire si la lauréate du prix Fondation de la Poste en 2003 était plus heureuse ou moins heureuse que maintenant ?
Emily Loizeau :
«C’est l’un des premiers prix que j’ai gagné et c’est vraiment ce qui a tout déclanché dans ma carrière. Et pour répondre à votre question : je suis mieux dans mes baskets. Plus heureuse à pleins de niveaux mais ce métier est tellement passionnel et il happe tellement tout que parfois le temps passe vite et c’est assez difficile de rester en contact avec sa vie privée. A part ça je suis une femme beaucoup plus épanouie depuis que j’ai mon chez moi sur scène.»