Interview

Benoit Morel - Interview - Pierre Derensy


Benoît Morel c’est un nom qui ne vous dit pas grand chose et pourtant : rennais de naissance, ancien graphiste chez Gallimard et l’un des membre fondateur du groupe « La Tordue », ce garçon sympathique prit une grande décision en 2003 : celle de peindre la vie sous sa propre étoile et en solo plutôt qu’à l’intérieur d’une communauté. « Félin Pour l’Autre » son disque ‘personnelle’ est à coup sur un moyen de faire adhérer un nouveau paquet d’amateur de la bonne chanson française.

Pierre :
Que pensent les gens de Cleunay en Bretagne de ton premier album solo ?
Benoit Morel :
J’ai fait écouter ça à quelques copains qui ne sont peut être pas très objectifs (rire). J’ai eu Thierry Ménager le directeur de l’Antipode l’endroit où nous avons préparé le spectacle et une partie du disque, qui a entendu le produit fini et qui est super content, tout en étant étonné de la différence entre le live et le résultat sur disque. Il a été surpris en bien par la production, par les détails et les nuances.
Pierre :
Cette résidence a nourri ton disque ou avais-tu déjà beaucoup travaillé dessus auparavant ?
Benoit Morel :
John Bonga qui a composé la musique, avait fait toutes les maquettes. Mais la grande étape ce fut de passer toutes ces petites choses qui s’accumulent quand tu veux sortir un disque : en live. C’est à ce moment là, au moment où nous avons eu de « vrais » instruments que tout s’est matérialisé. J’en avais marre d’entendre les morceaux sur un ordinateur. Nous avons répété en tout petit groupe au début chez moi, dans des petits studios à Rennes et ensuite est arrivé l’Antipode. L’Antipode nous a surtout permis d’être nombreux sur scène et d’avoir de supers conditions pour travailler les morceaux. J’avais une assise pour le disque, un but et de plus nous avons vraiment été très bien accueillis dans cette structure.
Pierre :
Cela doit faire plaisir de se sentir soutenu quand on démarre un nouveau projet ?
Benoit Morel :
C’est super ! on a fait pas mal de répétions en public et parallèlement avec John on a fait un atelier de chanson avec une classe de CM2. Et c’est vrai que l’album engendre pas mal d’attentes.
Pierre :
Ton comparse musical John Bonga est rentré de quelle manière dans ta vie artistique ?
Benoit Morel :
On se connaît depuis longtemps. Je faisais ma vie de musiciens avec La Tordue et lui était guitariste, je l’entendais chanter super bien et au tout début du projet je pensais même faire un disque pour lui. Avant de faire le live avec la Tordue cela avait un peu clashé et nous avions failli arrêter, pendant cette période j’avais refilé un texte à John. Qui a mis de la musique très rapidement dessus et d’une manière qui me correspondait. Du coup quand nous avons finalement arrêté le groupe j’ai proposé à John de faire des musiques. Et comme il s’est pris au jeu il a fini par tout composer.
Pierre :
Alors l’artiste qui doit monter ou descendre sur la capitale pour réussir et participer aux garden-party des maisons de disque, ce n’est plus à l’ordre du jour ?
Benoit Morel :
Cela ne l’a jamais été donc cela ne change pas grand chose. Ce sont juste des gens avec qui je travaille. Au départ, c’est un copain qui m’a lancé le truc en production et nous avons fait le tour des maisons de disques. La première chose qu’on nous demandait c’était « où est le single ? ». Seul Naïve a accroché immédiatement sans me poser ce genre de questions. Dans le milieu Patrick Zelnik, le patron de cette maison de disques est vraiment quelqu’un qui ne ressemble pas aux autres et contrairement à beaucoup il réfléchit. Il a une culture musicale et ce qu’il dit n’est jamais trop con.
Pierre :
Ton titre « Félin pour l’autre » m’oblige à te demander si tu es plutôt tigre agressif, couguar qui fuie à la vitesse grand V dans la savane ou chat d’appartement ?
Benoit Morel :
Je dois être un mixe de tout ça. Agressif je ne sais pas mais sauvage sûrement… farouche…
Pierre :
« Le chanter seul » ça change la vie ?
Benoit Morel :
Enormément ! C’est ce que je recherchais… je voulais une certaine liberté en assumant tout sans parler aux noms des autres. Cela m’a permis d’aller au bout de mes envies. Par rapport à une vie de groupe qui peut devenir un carcan lourd à porter au bout de 15 ans.
Pierre :
Jouer dans un groupe c’est comme de croire aux 3 mousquetaires : à la vie à la mort, est ce difficile de décider de rompre ce pacte ou est ce un moyen de grandir ?
Benoit Morel :
C’est une décision difficile à prendre mais en même temps c’était vital pour moi. J’étais en train au sens propre, d’y laisser ma peau. Avec le recul, monter un groupe c’est super mais il y a un côté adolescent. Quitter ce cercle c’est quitter l’adolescence, la bande, la colo.
Pierre :
En même temps on parle d’un album solo mais tu as remplacé le groupe d’amis par la cellule familiale ?
Benoit Morel :
Du coup il n’y pas toute cette tention, tous ces non-dits qu’il peut y avoir dans un groupe. On travaille de manière beaucoup plus tranquille, de manière sereine. Il n’y a pas d’arrière pensées comme il peut y en avoir dans un groupe où il faut toujours faire des compromis et ménager les susceptibilités. Là c’est plus un soutien, une motivation toujours présente.
Pierre :
Tu choisis aussi d’instaurer un jeu dans tes chansons avec une voix féminine qui vient se poser sur tes propos ?
Benoit Morel :
Depuis longtemps je le désirais, c’est une envie que je n’avais pas su faire aboutir dans la Tordue. Pour moi c’est la cerise sur le gâteaux. Si Françoise Chapuis des Femmouzes T n’avait pas joué le jeu je ne pense pas qu’il y aurait eu quelqu’un d’autre. J’adore sa façon de chanter, sa façon d’être, c’est quelqu’un que j’admire. Quand nous sommes sur scène ensemble c’est vraiment chouette. Le duo « Félin pour l’Autre » fait à 2 heures du matin, bien parti après la fête car nous quittions le studio, quand elle l’a enregistré ce fut vraiment super fort.
Pierre :
Alors j’ai évoqué avec toi la Bretagne mais l’album a plus le bruit des cigales que celui des mouettes de la côte Finistère ?
Benoit Morel :
Je voulais que ça sonne chaud. Que cela soit chaloupé. Je voulais qu’il y ait de la chaleur, des cuivres qui se baladent dans les titres.
Pierre :
Benoît Morel cette semaine est plutôt eau salée de larmes sur un texte revendicateur ou eau sucrée de grenadine qui rafraîchi sur un texte joyeux et chaleureux ?
Benoit Morel :
Je suis plutôt eau salée de l’Atlantique du Finistère Sud.
Pierre :
10 % de la population qui prend en otage par un trop plein de pouvoir et d’argent 90 % de l’humanité ça te révolte toujours autant ?
Benoit Morel :
Ca devrait surtout révolter tout le monde. Je parle de sujets qui me touchent. De sujets qui m’interpellent. Une chanson comme ‘FMI’ c’est venu en réaction à un reportage révoltant sur ce que j’ai vu.
Pierre :
Jouer avec les mots dans des chansons peut parfois donner un sacré mal de tête à l’auditeur, comment fait on l’alchimie pour que le tout soit audible et ne pas courir chercher du paracétamol ?
Benoit Morel :
J’espère qu’il n’y aura pas trop de prescriptions mais j’aime bien qu’on découvre mes chansons en les lisant. Instaurer un jeu avec mon public tout en espérant que cela ne soit pas ésotérique. Je ne souhaite pas faire un exercice de style incompréhensible.
Pierre :
Tu débutes ton album par « Texto », peux tu me donner la teneur du dernier texto que tu as envoyé ?
Benoit Morel :
Le tout dernier je l’ai envoyé à la nana de la maison de disques qui chapeaute l’histoire. C’est une fille que j’ai fait chier alors qu’elle était en vacances car je voulais régler quelque chose de très urgent et donc je lui ai envoyé un texto pour m’excuser.