Interview

Roudoudou - Interview - Pierre Derensy


Roudoudou c’est fou ! voilà pour ma part ce que je pense de ce monsieur. Un artiste génial, unique, loin de ses confrères qui ne cherchent qu’à faire monter la sauce sur les dance-floor, lui arrive à remonter le temps de la musique pour s’en emparer et en faire quelque chose de totalement orignal. Electronique mais organique. Rempli de références et de clin d’œil cinématographique. Son « Original Soundcrack » est un mille-feuille que l’on déguste goulûment sans complexe de prendre du poids.

Pierre :
Alors Roudoudou après avoir exploré l’espace, les plages hawaïennes, vous voici de retour dans la vie urbaine ?
Roudoudou :
Hé oui. Les deux albums précédents avaient été composés dans mon petit studio à la maison à Bagnolet, avec une fenêtre ouverte sur le monde, le ciel, les saisons… Celui-ci a vu le jour à Paris dans une cave du 20ème, c’est peut-être ce qui fait cette différence…
Pierre :
En débutant ce nouvel opus par « Tiki Walk » vouliez-vous conclure « Just a Place In The Sun » votre précédent album ?
Roudoudou :
Conclure non, parce qu’il ne s’agissait pas de tourner une page ou de terminer un truc mais plutôt de passer le relais. C’était le morceau idéal pour faire le lien avec le précédent album, et je vois que cela ne vous a pas échappé.
Pierre :
« Message From N°9 » est vraiment installé pour marquer la rupture et aussi prévenir votre maison de disque de l’olibrius que vous êtes ?
Roudoudou :
Je n’aime pas beaucoup les insultes et si je suis un olibrius, vous en êtes un autre !Non, sérieusement, je ne vois pas vraiment de rupture avec ce que je faisais avant. Il y avait déjà ce genre de délire de sketch ou d’interlude sur le premier album. Mes influences et mes intentions n’ont pas réellement changés si c’est là que vous voyez une rupture. Et puis je n’avais pas à prévenir ma maison de disque de quoi que ce soit car en matière d’olibrius, il y en a de joyeux !
Pierre :
Dès « Space Express » on a donc l’impression de rentrer dans différents films, de Bullit à Daktari avec « Surprise Surprise » ?
Roudoudou :
D’où le jeu de mot subtil avec le titre de l’album « Original Soundcrack » avec un C et non soundtrack avec un T. Vous êtes le premier à ne pas faire la faute donc bravo et merci. Dans le mesure ou les morceaux sont instrumentaux et très colorés, il est facile de se faire son propre film à l’écoute de chaque titre et d’y coller toutes sortes d’images. Le titre est effectivement là pour appuyer cet aspect là et peut-être donner des idées aux réalisateurs et producteurs de films.
Pierre :
Avez vous la nostalgie des films à la « Casino Royal » ou « The Party » un rien foutraque mais drôlement novateurs ?
Roudoudou :
J’avoue que « The Party » est un de mes films préférés. J’adore le cinéma et notamment cette période des années 60 /70, aussi bien dans le cinéma américain, qu’anglais, italien ou même français et il y a plein de films géniaux. Je ne sais pas si c’est de la nostalgie ou quoi, mais j’aime l’univers de ces films, tout, l’ambiance, la musique, la déco… que ce soit les films les plus undergrounds ou les grosses comédies comme The Party effectivement qui est quand même un must de la comédie. Peters Sellers y est trop génial !Cette période doit sûrement me ramener à ma propre enfance, quand je découvrais le cinéma et donc forcement la musique avec, à la télévision. Ces films là sont ma madeleine à moi.
Pierre :
Malheureusement l’époque d’aujourd’hui ne permet plus de trouver des films qui pourraient coller à votre musique, c’est pour ça que vous avez lancé cette BO pour espérer faire monter l’imaginaire des réalisateurs ?
Roudoudou :
La musique en général est très formatée et la musique de film qui doit répondre à des critères commerciaux et de box office l’est particulièrement. Mais comme ma musique plait beaucoup aux gens de la télé qui l’utilisent en illustration sonore de pleins d’images, de la grosse connerie sur TF1 au truc arty de Arte, en passant par le foot le télé-shopping ou les filles en bikini, je ne désespère pas de taper un jour dans l’oreille de quelques producteurs ou réalisateurs de films Z ou X.
Pierre :
La track-list du disque est elle faite de manière à remonter dans le temps mais surtout à remonter dans vos disques, c’est à dire que la dernière piste marque ce que vous pensiez être au début de votre carrière et « Tiki Walk » ce que vous êtes maintenant ?
Roudoudou :
On peut effectivement remonter dans le temps et jusqu’à mon adolescence avec les Pink Floyd ou Soft Machine et même jusque dans l’enfance, comme on l’a dit avec la musique qu’on entendait, qu’on subissait à la radio ou à la télé et qui est resté gravé quelque part dans l’inconscient et qui ressort sur «Surprise ! Surprise ! » ou « Tiki Walk ».
Pierre :
Revendiquez vous un coté vintage moderne paradoxale sur ce nouveau disque ?
Roudoudou :
Je ne le revendique pas particulièrement mais c’est un fait.
Pierre :
Les musiciens qui participent à votre album font partie de votre bande de copains ?
Roudoudou :
Oui on peut le dire…Pour la plupart ce sont des gens qui gravitent autour du collectif « Number9 ».
Pierre :
Vous avez, pour qualifier cet album parlé de musique « heavy-listening » ?
Roudoudou :
C’est histoire de dire quelque chose. Comme la presse et les marchands de disques aiment bien classifier, ranger, mettre des étiquettes, j’ai souvent été classé « easy listening ». Ce qui ne me dérange pas plus que ça. J’aime bien l’idée que la musique doit pouvoir s’écouter facilement. Mais comme cet album sonne un peu plus pop/rock que les précédents, avec des guitares saturées, je me suis dit que c’était peut-être plus du heavy listening que du easy-métal
Pierre :
Vous comptez vous produire sur scène pour défendre cet album ?
Roudoudou :
Et comment !
Pierre :
Je ne sais pas si vous avez la chance d’être père mais on a comme idée derrière la tête que l’album est destiné à votre ou vos enfants ou à votre enfance ?
Roudoudou :
J’ai bien cette chance. J’ai une fille, Ellie, qui a aujourd’hui trois ans et demi. Elle chante d’ailleurs sur « Ellie Love Song », si on peut appeler ça chanter, elle n’avait que six mois lorsque je l’ai enregistrée et cet album lui est un peu dédié. Et pour ce qui est de la part d’enfance, j’ai un peu du mal à en sortir moi-même, c’est vrai que mon surnom de Roudoudou ne m’y aide pas beaucoup.
Pierre :
Est ce que vivre avec Laurent Etienne qui a toujours une oreille en alerte afin de capter un son original et en faire une musique est une chose facile ?
Roudoudou :
Oui, c’est très facile, nous faisons bon ménage.
Pierre :
Le sous-titre a l’album « The Rise And Fall of The Record Empire » est très explicite, vous aviez besoin de régler certains comptes ?
Roudoudou :
C’est plutôt un constat sur le business de la musique qui a beaucoup changé depuis mon premier album qui était sorti en 98. On ne parlait depuis que de la crise du disque et des artistes qui se faisaient rendre leur contrat, comme ce fut mon cas de chez Virgin. Même si je l’ai mal vécu au début, j’étais finalement bien content de ne plus avoir à bosser avec eux. Ces gens là ne travaillent pas dans la musique.
Pierre :
Avez vous l’impression d’être une victime du boom des musiques électroniques signés dans les majors qui cherchaient la rentabilité alors que vous cherchiez l’originalité ?
Roudoudou :
Sans doute…
Pierre :
Pourquoi avez vous choisi « Number 9 Records » ?
Roudoudou :
Parce que c’était tout le contraire.
Pierre :
Pensez vous que des gens comme Michel Magne ou François de Roubaix pourraient encore exercer leur art aujourd’hui en France ?
Roudoudou :
Je ne sais pas… Peut-être que Michel Magne exposerait ses tableaux collages de bandes magnétiques et que François de Roubaix ferait de la plongée quelque part en Polynésie.
Pierre :
Vos collègues de musiques electro sont tous ancré dans une image torturé nocturne, alors que vous avec cet « Original Soundcrack » on imagine plus l’écoute en pleine lumière et en plein jour ?
Roudoudou :
C’est une musique idéale pour un pic nic ou une partie de campagne. Ou un apéritif entre amis en fumant un joint. Ou pour ceux qui aiment bricoler. On peut aussi illustrer ses films de vacances avec. Et même les professionnels de la pub ou du cinéma peuvent utiliser les morceaux pour leurs films à gros budget. L’écoute de cet album n’est pas limitée.
Pierre :
Je ne peux malheureusement pas éviter de vous parler de football, vous qui avez contribuez au succès des « Yeux dans les Bleus » avec votre « Peace and Tranquility To Earth » vous voyez l’équipe de France aller jusqu’en finale ?
Roudoudou :
Il le faut absolument pour sortir de ce marasme, Quelques bons buts de Zidane et des bleus et hop, c’est la reprise garantie, la croissance assurée.
Pierre :
Pour conclure pouvez vous me dire quel est la meilleure drogue en matière de son ?
Roudoudou :
Je ne sais pas… Le pot belge ?