Sepultura - Interview 2006

Sepultura - Interview (VO) 2006

Sepultura - Concert L'Omnibus (St Malo) 2010




Interview

Sepultura - Interview - Adam Barthonnet


Baptême du feu pour Adam et quel baptême puisqu'il s'agissait d'interviewer Derrick Green chanteur de Sepultura de passage à Paris. Dans un superbe esprit, ils ont évoqué leur dernier album 'Dante XXI' et des sujets un peu plus personnel. A noter qu'une tournée européénne commencera le 12 Mars à Oslo et qu'ils seront à l'Elysee Montmartre le 2 Avril prochain. Un grand merci à Anthony Beauvois pour avoir assuré la traduction.

Adam :
Bon, c’est ma première interview, alors…
Derrick Green :
Ah ouaip ? Toute première ?
Adam :
Toute première.
Derrick Green :
Oh, la vaaache… Whaoh. Deux bières ! Faut qu’il boive, là… Faut que tu prennes une bière… Deux bières. Tu veux une bière ?
Adam :
merci.
Derrick Green :
Oui, il lui faut une bière. C’est sa première interview, alors… Il faut qu’il aie les oreilles grandes ouvertes. Trois ? Oui, trois bières, excusez-moi, je suis impoli…
Adam :
Je voudrais parler de votre nouvel album, Dante XXI
Derrick Green :
Okay
Adam :
Donc, pourquoi est-ce que vous vous êtes inspiré de la Divine Comédie de Dante ?
Derrick Green :
Whaoh. Je pense que l’inspiration est venue du fait qu’il y a des petites similitudes, dans le livre La Divine Comédie, avec beaucoup de choses actuelles, qui se passent dans ma vie, personnellement, socialement, politiquement… C’était presque trop… familier, tu vois. Du genre, “Wah, c’est pas croyable”, surtout au niveau personnel, parce que j’ai fait beaucoup de recherches sur Dante lui-même, et quand il a écrit le livre, c’était un paria, de Florence, il a vécu toute sa vie comme un paria. Jusqu’à sa mort, il a été viré de la ville, en exil. Et il a écrit le livre quand il avait à peu près l’âge que j’ai aujourd’hui, c’était un âge de milieu de vie à l’époque, et donc il y avait beaucoup de choses, concernant les problèmes intérieurs, les sentiments… Il utilisait beaucoup de métaphores, par rapport à la mythologie, à la religion, toutes ces choses que je retrouve dans ma vie… Avec mes parents qui sont très religieux, qui savent plein de choses sur la Bible et certains personnages, et la mythologie que j’ai apprise à l’école… Donc j’ai lu le livre quand j’étais plus jeune, et je me suis dit que ce serait un sujet génial pour qu’on écrive un album, comme une bande originale pour le livre, parce que c’est un livre énorme, et, vraiment, il y avait énormément de choses qui pouvaient être mises en relation avec aujourd’hui, et c’est pour ça qu’on a le titre Dante XXI, par rapport au 21ème siècle.
Adam :
A propos des 21 maisons, en anglais… Il y a plusieurs chants, dans le livre de Dante…
Derrick Green :
Non, ça vient de 21, le 21ème siècle, on s’est dit, tu vois, Dante, mais en 2005…
Adam :
Je pensais que c’était par rapport au chapitre…
Derrick Green :
Le chapitre… Non, c’est 21, c’est pour le 21ème siècle, parce qu’on ne voulait pas faire vraiment tout ce qu’il y a dans le livre, ça prendrait une éternité. Et donc, on voulait faire une comparaison des choses de ce temps-là qui nous paraissaient similaires à des choses d’aujourd’hui.
Adam :
Ok. Je voudrais savoir quelle chanson vous préférez dans cet album, laquelle vous touche, personnellement.
Derrick Green :
Hum, sans aucun doute, Buried Words [Les Mots Enterrés, ndt]. Ça me touchait personnellement parce que… C’était vraiment frustrant de voir ce qui se passait avec ces prêtres catholiques qui abusaient d’enfants, et pour moi, c’est vraiment… tordu, vraiment maléfique… Enfin, pas maléfique, mais mal, quoi, vraiment dégoûtant… C’est horrible. C’est très perturbant, et ça me rend très agressif quand il y a des gens qui agressent quelqu’un d’autre, ou quelqu’un qui profite de quelqu’un d’autre. Et je me suis dit que c’était… incroyable que l’Église catholique protège ces gens, ces monstres, qui abusaient de ces enfants. Alors j’ai écrit cette chanson du point de vue d’une victime. On n’a jamais abusé de moi, mais j’ai vraiment ressenti de la compassion, et de la compréhension, quand quelqu’un profite de toi en utilisant quelque chose d’autre. Certaines personnes utilisent la religion si souvent, tout le temps de nos jours, pour obtenir quelque chose, tu vois, ce sentiment de pouvoir, de contrôler un maximum de gens. Alors de tout ça, j’ai pensé que c’était franchement perturbant, parce qu’il y a quelque chose de vraiment très beau… La religion, dans son essence… Alors de voir des gens l’utiliser pour contrôler, pour abuser d’enfants… On se dit, y’a pas à chercher le pourquoi du comment… Il faudrait dénoncer ces gens et ils devraient être en prison… Et Buried Words, c’est comme cette personne à qui j’ai pensé, le point de vue de la victime. Quand on enterre ce genre de saloperies, on enterre des mots. Et ces mots qu’on enterre, c’est comme le pouvoir de la religion qu’on leur a appris. Il y avait tout ce pouvoir religieux, du genre « Il faut que tu fasses ça… » Tu ne tueras point, tu ne ferais point ça, bla, bla, bla… Les Églises qui tuent tout le monde. C’est comme de garder quelque chose de pourri… Alors c’est comme un sursaut, un réveil, du genre « J’arrive pas à croire que vous m’avez fait agenouiller, et prier pour quelque chose que vous n’avez jamais cru… » Il y a toujours eu du scepticisme parce qu’ils sentaient, en tant que victimes, que quelque chose n’allait pas. Mais tu n’arrives pas à croire ce qui t’arrive, et tu es une victime, tu ne sais pas… Surtout quand tu es un enfant, alors… Les paroles sont écrites, tu vois, sous cette forme. C’est franchement perturbant dans mon esprit, c’est dégoûtant rien qu’à y penser, mais j’ai senti que je voulais l’écrire, parce que je me suis dit que c’était un exemple de l’Église faisant preuve de corruption, et d’hypocrisie, tu comprends…
Adam :
et, quelle est votre opinion sur les religions de nos jours ?… Les Musulmans, et les mentalités… ont-elles vraiment évolué ?
Derrick Green :
Je pense honnêtement que c’est la même chose que, tu sais, le Droit Chrétien en Amérique. Beaucoup de gens ne voient pas ça, ils voient genre “oh, les Américains sont tous givrés”… Bush fait partie du mouvement du “Droit Chrétien” qui est aussi tordu que ces Musulmans, même pas les Musulmans, c’est des malades psychopathes, qui utilisent ça d’une manière tellement évidente, que quelque part c’est frustrant de voir qu’il y a comme des marionnettes dans ce jeu, et ça tourne principalement autour du fric, et autour de la cupidité, et du pouvoir. Ils se disent qu’ils n’ont pas assez d’argent, pour une raison débile ou une autre dans leur tête, du genre, faut que ça continue… Mais il y a deux côtés, tu vois, le côté où ils utilisent la religion islamique pour contrôler des millions de gens différents, des enfants, pour qu’ils se fassent exploser, et commettre des actes d’une lâcheté incroyable, du genre « ouais, je vais faire exploser des gens innocents, des enfants, des bébés »… Alors on dit « Oh, vous ne devriez pas faire ça, par rapport à la religion islamique et tout ». Ce n’est pas l’Islam, mais ça n’a rien à voir avec ces terroristes. Alors je ne fais pas ce rapprochement, je ne le fais pas au même niveau que, par exemple, Bush qui utilise cette notion du mal, et c’est, tu vois, le Droit Chrétien – c’est pas le Christianisme, c’est pas du tout l’impératif, c’est, du moment que c’est une religion pacifique, le Christianisme, Jésus, religion pacifiste, ça vient de la même chose, ça vient d’Abraham, le Judaïsme aussi… Alors c’est ça qui est ridicule, tu as une bande de démons assoiffés de pouvoir, cupides… Tu sais, ils sont devenus les démons dont ils parlent, ils sont les démons dont ils parlent. Et c’est une chose, c’est comme le proverbe, tu sais, méfie-toi, le diable est très difficile à cerner, parce que c’est quelque chose qui, enfin, les gens savent que le démon existe, mais ces gens agissent d’une manière tellement démoniaque, ça me paraît tellement évident, on dirait qu’ils en usent et en abusent, je vois ça dans chaque type de religion, où ils utilisent, tu sais, des mots magnifiques, une philosophie magnifique, « Vous n’êtes pas obligés de me croire, mais c’est un mode de vie génial, une philosophie, avoir de la compassion pour quelqu’un d’autre », mais ils ne suivent pas ce mode de vie. C’est très hypocrite, alors je vois ça comme quelque chose d’hypocrite et de complètement destructeur. La principale destruction dans ce monde. Malheureusement.
Adam :
Donc, quand j’écoute cet album, il me semble être plus acoustique que le précédent. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Derrick Green :
Acoustique, vraiment ?
Adam :
Oui, certaines, comme la chanson Ostia.
Derrick Green :
Oui, je pense que dans Ostia, oui... On essaie de créer une sorte d’ambiance, et parce que l’album est partagé en 5 chansons qui appartiennent à l’Enfer, c’est du hard-core, qui va droit au but, très rapide, c’est quelque chose qu’on a pas fait depuis longtemps, et c’est très différent, et très agressif. C’est l’Enfer, tu vois, c’est l’ambiance qu’on a prise. Mais avec Ostia, c’est le tout début du Purgatoire, et on voulait créer une ambiance très différente. Acoustique, je dirais peut-être pas ça, parce que l’impression des voix, je veux dire… C’est mon opinion, mais j’ai entendu l’avis de différentes personnes, alors c’est intéressant… Dans un sens, c’est peut-être un peu différent parce que je ne le vois pas aussi agressif que l’Enfer, mais d’autres personnes le voient comme un truc, enfin, « Oh mon Dieu, ça va beaucoup trop loin… » alors c’est intéressant ce que tu dis, parce que je suis presque d’accord avec toi en un sens, j’ai voulu le chanter avec une approche différente parce que dans le livre, j’utilise beaucoup, tu sais, la comparaison, il a traversé l’Enfer, et là il a les 7 marques sur son front, et il doit se laver à cause de son passage en Enfer, et c’est la première fois qu’il peut voir les étoiles et le ciel et il peut, tu sais, c’est comme une libération, genre, enfin, quelque chose qui est différent du pire, le pire est passé, but il y a encore du chemin à faire. C’est comme s’il se disait, le pire est passé, mais il devait encore se laver, et donc Ostia, la manière dont je le vois, c’est qu’il peut vraiment voir les étoiles et le ciel, comme s’il voyait un peu la lumière à la fin du tunnel, quand on doit traverser quelque chose de difficile dans la vie, et c’est de cette manière que je l’ai écrite, du genre, pfiou, il y a au moins une lueur d’espoir. Je ne sais pas si c’est acoustique, mais je le vois comme quelque chose de puissant au niveau des mots. Et puis on fait une rupture, parce que, comme Ostie est un port, en Italie, et Dante l’a utilisé dans le livre comme un port d’où on emmenait les âmes au purgatoire de l’autre côté de la mer, donc j’ai cette espèce d’impression de flotter sur une rivière, avec un paquet d’âmes qu’on fait entrer dans le purgatoire, alors ça a pris cette approche romantique, plus douce, parce que ce n’était plus l’Enfer. On a voulu montrer l’extrême, alors on l’a fait exprès pour vraiment, tu sais, peut-être une touche plus douce, plus mélodique.
Adam :
Je l’aime vraiment.
Derrick Green :
Oh, cool (rire)
Adam :
Quelque chose de complètement différent. J’ai entendu parler d’une rumeur, le départ d’Igor Cavalera. Je ne sais pas si il part vraiment, ou si il ne pouvait pas venir…
Derrick Green :
Eh bien, en fait, ça fait très longtemps qu’on est là, qu’on est sur les routes, et en fait c’est, tu sais, tu te concentres vraiment sur ce que tu veux faire, et où tu veux aller, et sa vie, ça fait presque 22 ans qu’il joue avec Sepultura, et il n’a jamais fait de pause, et il n’a jamais pu vraiment profiter de… Tu sais, certains de ses enfants sont déjà grands, il a eu son quatrième enfant, là, avec une femme différente, une nouvelle femme, et les choses étaient un peu bousculées, quand tu es quelque part pendant si longtemps, et que tu as une nouvelle femme et un nouvel enfant, et il n’avait pas vraiment la tête à, à la tournée, à être loin de tout ce qui se passe là-bas. Avec Sepultura, il faut en quelque sorte que tu aies la tête à 100% à ça, et c’est… Je n’ai pas envie de me disputer avec lui, du genre « Je veux rentrer chez moi, quand est-ce que c’est fini ? Ça ne m’amuse plus, je veux vraiment rentrer chez moi, j’ai des trucs à faire ». Ça ne marche pas, si tu es dans cet état d’esprit, alors je respecte le fait d’être plus, « Écoute, il faut que je fasse une pause. J’ai fait l’album, je peux faire des interviews, et tout ce que tu veux, mais je ne peux pas être loin pendant des mois et des mois, en tournée, pour l’instant. » Il n’est… mentalement pas présent, en fait. Et donc je comprends ça, je respecte ça, et lui aussi respecte le fait que c’est, genre « On a travaillé un an et demie sur cet album et c’est maintenant le moment, ça sort maintenant », tu sais (rire) on a beaucoup de responsabilités, et une simple tournée est plus qu’une seule personne, ça l’a toujours été, c’est ce qu’on a prouvé, même quand on a continué sans le premier chanteur, sans Max. Donc il comprend, et il n’a jamais dit, jamais de la vie, qu’il quittait le groupe, c’est quelque chose, tu ne peux pas juste quitter quelque chose au bout de 22 ans, un truc avec tellement de respect… C’est une belle histoire, mais tu as une sorte de truc, là, une sorte d’esprit ouvert, comme « OK, fais ce que tu as à faire, tu reviens quand tu veux ». On a beaucoup de chance d’être des amis de Roy, qui a joué dans Soulfly, et il a accepté de combler le vide par rapport à Igor, jusqu’à ce qu’il règle ses affaires. Et on a hâte de jouer, Roy est un batteur très performant, il a joué avec Soulfly, il connaît déjà les chansons de Sepultura, il est là à 100%, genre « allons-y, c’est parti ». On veut passer un bon moment avec eux, on va vraiment essayer de faire des chansons qu’on a jamais fait auparavant, tu vois, « allez, on y va, bordel ! », et les spectacles, les fans, quelque chose de différent, on veut divertir les gens, on veut s’amuser tout comme eux, à jouer de la musique, parce qu’on y croit vraiment. Alors malheureusement, c’est comme le courant, j’aimerais mieux jouer avec Igor, je ne le cache pas, mais je ne veux pas jouer avec lui si il n’est pas là à 100%. Il fait tout sauf, avoir l’esprit à partir plusieurs mois en tournée… Et il sera toujours le bienvenu si il veut revenir, il n’a jamais été question de le mettre dehors, genre qu’il puisse revenir et faire « Je suis de retour » « OK, on y va ». Ça arrive, tu vois… Particulièrement avec un groupe qui a, quoi, 22 ans, c’est forcé que ça arrive.
Adam :
Okay… Hum, je suis perdu, alors, euh… Est-ce que vous avez personnellement choisi Roy Mayorga pour remplacer Igor pour la tournée, ou…
Derrick Green :
C’est pour la tournée, et aussi jusqu’à ce que Igor se sente d’aplomb, genre « Je suis prêt à reprendre la route, allons-y… » Jusque là, tu vois. Mais c’est tout… Il n’est pas là pour remplacer, comme si tu on disait « Il est dans le groupe, et Igor n’y est plus ». Rien de ce genre. Mais c’était, comme ça, parce que quand tu y réfléchis, c’est très logique, du moins je le vois comme quelque chose de très logique… Parce que je connais la réalité des choses. On bossait avec le label Roadrunner, qui, constamment… Ils avaient un mauvais catalogue sur Sepultura, alors ils veulent promouvoir tout ce qui appartient au passé. Alors en un sens, Roadrunner contrôle Blabbermouth [chaîne de heavy metal, ndt], au niveau de la pire saloperie de rumeurs et de conneries dans le monde entier, ils pourraient imprimer n’importe quoi sans en parler à qui que ce soit, et les gens y croient, c’est genre « oh, cette personne, qui est un ami du groupe, a écrit cet article, qui dit qu’Igor quitte Sepultura. » Il n’a jamais parlé à personne. À aucun membre du groupe. C’est du mauvais journalisme, c’est de l’horrible commérage à la con et ça nous fait réellement passer pour des abrutis. Et je déteste ce gars. Honnêtement, je voudrais vraiment le claquer. Je ne vais pas dire de noms, mais il fait genre, c’est un ami du groupe, depuis des années, mais c’est tout ce qu’il fait, à dire des conneries dans notre dos, comme tout le monde, il se contentait de leur lécher les bottes, quand ils étaient populaires, et ensuite leur tourner le dos. C’est que des bavardages à la con, mais y’a aussi les fans, qui restent avec le groupe… Mais ce gars de chez Roadrunner, ou qui que ce soit qui est l’ami de l’ami ou le politicien, c’est un truc auquel je peux pas faire face, quoi, depuis que je suis dans le groupe, et c’est forcé que ça arrive, constamment. Mais c’est difficile pour moi de m’y habituer, d’être près de ce salopard, parce que c’est facile à voir, c’est genre « mec, t’es là que pour lécher les bottes, t’es qu’un Leach de plus, à lécher, genre oh, c’est le groupe du moment ! ». Mais Sepultura n’a jamais été le groupe du moment, c’est beaucoup plus que ça, et il y a plein de gens partout dans le monde qui le voient comme ça. Mais ces gens font « oui, à en juger par les statistiques, le nombre de ventes, quelle tournée ils font », tu sais, c’est que des conneries, parce qu’on survit depuis tout ce temps, on se bat, tu vois.
Adam :
un état d'esprit ?
Derrick Green :
Oui ! C’est juste une question d’attitude. Du genre « Eh, toi, lève-toi et fais ça, lève-toi et aies les tripes de le faire, quoi, de conquérir, tout ce que tu peux », il n’y a pas beaucoup de groupes qui ont les opportunités que Sepultura a. Et donc si tu as l’esprit ouvert, tu regardes vraiment ce qu’on fait, c’est pour ça qu’on a le DVD, et le commentaire du spectacle sur DVD, partout dans le monde, pas juste en Europe, mais aussi en Afrique du Sud, en Amérique Centrale, en Amérique du Sud… On a eu le Moyen-Orient, on a eu l’occasion d’aller dans tous ces pays où les gens ont peur d’aller, parce qu’ils n’ont rien dans le ventre. Ils croient ce qu’ils voient à la télé, ils croient ce qu’ils lisent sur Internet, ils font “oh, c’est dangereux là-bas, j’ai peur d’y aller », c’est des paroles, et c’est genre crétin, va pas jouer de la musique. C’est genre, comme si on essayait d’être agressif, de croire à quelque chose, je peux pas y croire moi. Moi, je crois ce que je fais, je vais dans d’autres endroits, j’apprends une autre langue, je parle d’autres langues, je garde l’esprit ouvert à être avec des gens que je n’ai jamais vus, et pas d’amis, pas de famille là-bas, c’est comme si, je fais ce que je fais parce que je l’ai fait quand j’étais grand comme ça, et je suis resté comme ça.
Adam :
Est-ce que vous pouviez penser par vous-mêmes, je veux dire, les médias, la télé ou quoi que ce soit, ils ne pensent pas à votre place ?
Derrick Green :
: Jamais. Je pense qu’ils pensent à d’autres choses, autres que les vraies bonnes questions. Je ne sais pas, après, très souvent, ils ne posent pas les bonnes questions. J’adore la musique, j’adorerais pouvoir poser aux gens des questions à propos de leur musique, de ce qu’ils font dans leur vie, pas à propos de « Qu’est-ce que vous faisiez il y a 20 ans ? » Du genre « C’était génial, j’étais là ! », tu veux revivre les putain de jours de gloire de ta vie. Il y a des tonnes de groupes que j’adore, que je suis allé voir en concert, et je faisais « C’était un super spectacle ! ». Mais bon sang, gars, les gens sont des gens, j’ose espérer que les gens évoluent, ils changent, ils bougent. Il y a plusieurs réalisateurs que j’aime bien, il y a des films qui ont changé, de tous les arts. Tu veux suivre ce qu’ils font dans leur carrière, tu sais, tu veux voir l’évolution de cet artiste. Pour des raisons débiles, il y a des gens stupides, dans la musique ou ailleurs, qui adorent rester à un certain point dans leur vie, là où ils trouvaient que leur groupe était le meilleur truc de tous les temps, et ils sont trop proches pour vraiment voir l’évolution d’une personne. Ou le mouvement, tu vois, être ouvert pour voir le mouvement de la personne. Parce qu’il y a des gens maintenant, qui font “oh, l’album est génial maintenant, j’ai jamais entendu de truc comme ça avant », « eh ben maintenant, tu peux y retourner et l’écouter, avec l’esprit ouvert, au lieu d’écouter tout ce qui se dit autour de toi. Alors pour moi, c’est normal, quoi, je suis habitué à ce que les gens soient, j’ai toujours su que les gens étaient comme ça, avant que j’intègre Sepultura, très fermés et très, prévisibles, tu sais. Mais j’adore ce que je fais, ça je le sais. Quand je me réveille le matin, je me dis « Whoa, je joue avec Sepultura, la vache… Je vais en France pour aller à une interview, et après je vais en Italie et après en Belgique, et après je retournerai à Sao Paulo, après je vais m’entraîner et après on va partir en tournée. » C’est ça que je fais, et j’adore ça. Il y a d’autres gens, je sais pas ce qu’ils font, je sais pas si ils sont satisfaits, on dirait pas, parce qu’ils sont constamment en train de revivre le passé, ils sont pas créatifs. J’adore quand on fait, genre, « C’est ma première interview, c’est géant », tu fais quelque chose de différent, que tu n’as jamais fait. Je respecte ça. Mais quand les gens sont constamment, j’ai vu plein de journalistes, j’ai été sur les routes et j’ai vu les mêmes journalistes qui me demandaient toujours les mêmes conneries. « Oh, dites, j’ai entendu dire que Max… » et je fais « Purée, c’est pas la première fois que tu viens, j’ai déjà entendu tes trucs, tu devrais le savoir maintenant, c’est… évident », tu vois. Genre, pour toi, c’est la première fois, alors ça me dérange pas, de me dire « J’ai entendu ça », ou quoi que ce soit… C’est neuf, c’est frais, mais je te dis qu’il y a certains journalistes qui reviennent, « J’arrive pas à croire que vous me reposiez la même question… » Tu vois, « Encore ! Ça fait 6 ans ! Mais où est-ce que tu étais, tu as fait quoi ? Laisse-moi te questionner sur ton boulot à toi, est-ce que tu aimes ça, est-ce que tu es créatif, est-ce que tu penses vraiment à ce que les gens veulent entendre ? »
Adam :
Donc, si on n’est pas créatif, on…
Derrick Green :
: On meurt. Je pense que si on n’est pas créatif, si on évolue pas en tant que personne en général, même sans faire d’art, on cesse d’exister. C’est la loi de la nature. N’importe quelle espèce, les fleurs, les animaux, si on cesse d’évoluer, on meurt. Les dinosaures, tu vois. Comme si c’était, « C’est bon, c’est fini. », c’est pareil avec les humains. Les humains sont une espèce sur cette planète. C’est la loi scientifique de la nature, quoi, ça n’a rien à voir avec la religion, ni avec rien de ce qu’on commence. Il faut évoluer. C’est comme ça que je vois les humains, c’est comme ça que je vois la musique, c’est comme ça que je vois l’art, c’est comme ça que je vois la civilisation, c’est comme ça que je vois la culture. Il faut que ça passe par des changements, c’est naturel. Il faut pas en avoir peur.
Adam :
Je suis vraiment impressionné. J’ai fini, je n’ai plus de questions…
Derrick Green :
OK, tchin alors ! Salut. Impec.
Adam :
Fiou, je pensais… Vous êtes très ouvert d’esprit, je pensais que vous seriez très difficile, à parler, et…
Derrick Green :
J’adore les bonnes discussions, gars. Ça fait un an et demie que je bosse dur sur cet album, sur cette idée, et je n’en ai parlé à personne. Franchement, on a tous travaillé pendant ce temps, et c’est genre, « C’est fait ! »